Ignace Semmelweis, le médecin qui sauva des millions de vies

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, environ 13% des femmes qui accouchaient mourraient de fièvre puerpérale, causée par des bactéries qui pénètrent dans l'utérus, qui à l’époque était impossible à prévenir ou à guérir. Du moins, c’est ce que les médecins pensaient.

 

Vers 1845, Ignace Semmelweis, un médecin obstétricien hongrois, commence à étudier les causes de cette fièvre, sans succès, jusqu’à ce que le décès de son ami et professeur d’anatomie Jacob Kolletschka lui ouvre les yeux : lors de la dissection d’un cadavre, ce dernier s’ouvre le doigt avec un scalpel et décède peu après des suites d’une infection.

 

 

Lors de l’autopsie, il constate que la pathologie est identique à celle des femmes décédées des suites de la fièvre puerpérale, et en comparant deux cliniques différentes, il en conclut que ce sont les médecins qui, par leurs mains sales, transportent les particules de contamination de la salle d’autopsie à la salle d’accouchement.

 

En effet, à l’époque, la notion de « microbe » n’existe pas encore, et il n’est pas encore d’usage de se laver les mains avant de plonger celles-ci dans le corps d’un patient !

 

En 1847, il propose pour se débarrasser de ce « poison invisible » de se laver les mains à l’hypochlorite de calcium. Dans les services dont il était responsable, le taux de mortalité chute alors de 13% à 2,4%, étendant ses recommandations à d’autres services, le taux de mortalité descend jusqu’à 1,3% dans les salles d’accouchement.

Semmelweis aurait pu recevoir un Prix Nobel (si celui-ci avait existé à l’époque) et l’histoire se serait arrêtée là.

 

Cependant, sa réussite déchaine les passions. Plusieurs paramètres empêchent l’institution médicale d’appliquer les recommandations de Semmelweis :

 

- sa thèse ne repose sur aucune base scientifique (puisque le microbe n’existe pas encore, Semmelweis ne peut donner aucune justification scientifique à ses observations)
- on considère sa théorie comme une sorte de superstition religieuse (dans la Torah, notamment, il est préconisé de se laver les mains avant de soigner).
- les médecins n’ont pas envie d’avouer qu’ils sont responsables de toutes ces morts

 

Il devint l’objet de toutes les moqueries et fut finalement chassé de l’hôpital de Vienne et fut repris en 1851 dans une maternité de Budapest (ville natale de son père). Sa politique de lavage des mains et du matériel y abaisse à 0,85 % le taux de mortalité due à la fièvre puerpérale. Il se maria, eut cinq enfants et se constitua une importante clientèle privée. Vienne, cependant, lui restait toujours complètement hostile.

 

 

En juillet 1865, Semmelweis est victime d’une dépression nerveuse. Il est interné dans un asile psychiatrique à Vienne, où il meurt, deux semaines plus tard seulement. On parle d'un empoisonnement généralisé du sang, semblable à celui de... la fièvre puerpérale ! Selon les témoignages de l’époque (qui ne sont pas avérés à l’heure actuelle), Semmelweis, régulièrement tabassé par les infirmiers de l’asile (qu’il agaçait avec son obsession du lavage des mains), aurait été infecté par le médecin chargé de soigner ses multiples blessures ouvertes. L’infection se serait transformée en gangrène et aurait fini par le tuer dans d’abominables douleurs.

 

« C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt. » M. Yourcenar

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