Il y a 2400 ans, Arété de Cyrène : la première femme philosophe connue

Nous sommes au IVe siècle avant notre ère, en Grèce, plus précisément à Athènes. Il s’y trouve plusieurs écoles de philosophie, où l’on enseigne à une petite élite tout ce que l’on connaît en matière d’astronomie, de géométrie, d’arithmétique, etc. Parmi ces écoles, il en est deux qui se distinguent de loin, par leur importance et leur célébrité, c’est l’Académie (fondée par Platon en 387) et le Lycée (fondé par Aristote en 335). Les enseignants y sont des hommes. Les élèves y sont des hommes. Pour une raison très simple : c’est que ces écoles sont, en quelque sorte, des « écoles nationales d’administration », puisqu’elles fournissent, à tous les Grecs qui ont les moyens de s’y inscrire, les connaissances nécessaires pour accomplir une carrière politique. Or, les charges publiques sont réservées aux hommes. La démocratie grecque est basée sur l’égalité des hommes, et la sujétion des femmes. Celles-ci sont soit au foyer, préparant les repas, soit elles s’adonnent à des travaux manuels, agriculture et élevage, filature et tissage...

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À cette époque, Aristippe de Cyrène dirige, à Athènes lui aussi, une école qu’il a fondée, et qu’aujourd’hui les historiens appellent l’école « cyrénaïque ». La grande question de la philosophie est la recherche du bonheur, et Aristippe professait que le bonheur réside dans l’accumulation des plaisirs, et il enseignait donc ce que l’on appelle un « hédonisme », une sagesse basée sur la recherche de l’agréable. Un beau programme, semble-t-il.

En cherchant le plaisir, Aristippe avait eu une fille, et il l’appela Arété, ce qui en grec s’écrit Aρετη , qui signifie « excellence », « intelligence ». Parmi les plaisirs recherchés par le chef des Cyrénaïques, il y avait la provocation, car le père appela sa fille « intelligence » dans une société – nous sommes il y a plus de deux mille ans ! – qui n’accorde pas aux femmes l’intelligence, du moins la haute intelligence nécessaire pour les travaux scientifiques et philosophiques. Et Aristippe forme sa fille à la philosophie, et lui fait connaître sa doctrine.

En 356, Aristippe de Cyrène meurt et, fait extraordinaire à Athènes et dans tout le monde grec, c’est sa fille Arété qui lui succède, devenant « scolarque » de l’École cyrénaïque. Du jamais vu ! Une femme, non seulement s’occupe d’activités intellectuelles, mais enseigne également le plus haut savoir !

Voilà donc la première femme que nous rencontrons dans l’histoire de l’activité intellectuelle supérieure de l’Humanité. Elle fut vraiment exceptionnelle, car on ne trouve pas d’autres femmes philosophes à cette époque ni même après, que ce soit pendant la période hellénique, pendant la période hellénistique ou pendant la période romaine.

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Tout en s’occupant de philosophie et d’enseignement de la philosophie, Arété eut un fils, à qui elle donna le nom d’Aristippe, ce qui montre que la maternité et les pratiques de l’intelligence ne sont pas incompatibles.

Aristippe le Jeune succède à sa mère, qui meurt aux alentours de l’an 345, et devient à son tour scolarque de l’École cyrénaïque. Les historiens de la philosophie l’appellent généralement Aristippe Métrodidacte, ce qui en grec veut dire « formé intellectuellement par sa mère ».

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