Julien l’Apostat et ses problèmes de pilosité

 

Né en 332 de notre ère, Julien l’Apostat connut un destin hors norme. Après que son cousin, Constance II, ait massacré toute sa famille pour s’emparer du pouvoir, il devint César en 355, c’est-à-dire qu’il assistait Constance dans son règne. En effet, tandis que Julien menait des campagnes militaires en Gaule, Constance II assurait la gestion de la partie orientale de l’Empire. Bien vite, le jeune Julien remporta la confiance des soldats, qui le proclamèrent empereur et se rebellèrent contre Constance II. Parti en campagne en Cilicie afin de réprimer la mutinerie, Constance II tomba malade sur le chemin. Sur son lit de mort, il désigna à contrecœur Julien comme successeur.

Ce dernier, alors même que la religion chrétienne était bien installée dans l’Empire, entreprit de rétablir le paganisme, ce qui lui valut de nombreuses critiques. Il avait pourtant été élevé par l’évêque Eusèbe de Nicomédie, chrétien de souche. Sans doute son revirement d’opinion tint-il à l’enseignement qu’il reçut de Georges de Cappadoce, après la mort d’Eusèbe, ainsi qu’au séjour qu’il passa à Athènes, où il fut initié aux mystères d’Éleusis. Seul survivant de la lignée de Constance Chlore, il prit ainsi le risque de s’affranchir de la religion de sa famille, celle-là même par laquelle Constance II avait justifié l’assassinat de son père et de son frère. Il ne mena cependant pas de persécutions à l’égard des chrétiens, se contentant de promulguer quelques édits en faveur des païens et de restaurer le culte du Soleil.

En 362, il s’installa à Antioche, accompagné de son armée. Il avait pour projet de s’y préparer à une guerre contre les Perses, qui menaçaient l’empire. Son arrivée fut vécue par les Antiochiens comme une invasion. D’abord parce qu’ils réprouvaient les mœurs religieuses de l’empereur, ensuite parce qu’ils estimaient l’arrivée des soldats néfaste à l’économie de la ville. Ces soldats, en effet, étaient de bons mangeurs. Julien eut donc tôt fait d’établir un édit du maximum, de même que l’avait fait son prédécesseur Dioclétien, soixante ans plus tôt. Furieux de voir leurs finances s’écrouler, les Antiochiens renversèrent les statues de la famille impériale. Puis, la nature humaine étant ce qu’elle est, ils s’attaquèrent au physique de Julien. Ils raillèrent, en particulier, la barbe broussailleuse de l’empereur.

Julien, en effet, arborait fièrement une longue barbe hirsute, cultivant sa ressemblance avec Hadrien, empereur philosophe pour lequel il avait une grande admiration. Mais si au IIe siècle de notre ère, la pilosité faciale était synonyme de sagesse, ce n’était plus le cas au IVe siècle. Ainsi, le vieil adage proclamant que « la barbe ne fait pas le philosophe » reprit du service et la pilosité florissante de l’empereur fut pointée du doigt. Pour se défendre, Julien entreprit de rédiger le « Misopogon », titre grec que l’on pourrait traduire « Ceux qui détestaient la barbe ». Il y fait montre d’une grande propension à l’autodérision, tournant lui-même en ridicule cette fameuse barbe, qui faisait tant parler d’elle :

J’ai mille raisons de me critiquer, à commencer par mon visage. De fait, à ce visage qui ne tient de la nature ni rare beauté, ni même régularité, ni même fraîcheur, mon fâcheux caractère et mon humeur morose m’ont fait ajouter cette barbe touffue, comme pour le punir, dirait-on, d’être dépourvu de beauté naturelle.

Il rédige ainsi un blâme de lui-même, qui ne manquera pas de surprendre les Antiochiens. Pour autant, il ne parvint pas à se faire aimer du peuple d’Antioche, et mourut quelques mois plus tard, des suites d’un combat contre les Perses à Ctésiphon. La politique de repaganisation qu’il était parvenu à mettre en place eut tôt fait de s’effacer avec l’arrivée de ses successeurs, Jovien et Valentinien. Le christianisme fut ainsi bien vite rétabli.

Malgré cela, Julien laissa de lui une trace indélébile dans les mémoires. Personnage controversé, il fut encensé par des païens tels qu’Amiens Marcelin et Libanios, et décrit comme un fou furieux par des auteurs chrétiens tels que Grégoire de Nazianze. Chose pour le moins incroyable si l’on considère qu’il a régné moins de deux ans…

  Auteur : Elise Vander Goten

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