La mort pour des Dum-Dum

Comme nous le savons, le premier conflit mondial fut d’une grande violence et occasionna des pertes colossales au niveau des combattants. Les Conventions de Genève et de La Haye (1906-1907) ont eu pour but la protection des militaires, par conséquent certaines armes furent interdites, notamment la fameuse balle « dum-dum ». Cette dernière maximise les dégâts sur la cible qu’elle touche. En effet, lors de l’impact, elle se déforme et creuse une cavité d’une surface bien plus important que celle d’une balle normale. Au lieu de glisser contre les os, la balle « dum-dum » les éclate littéralement et endommage les tissus de façon bien plus conséquente.

 

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La particularité de cette balle faite de plomb est la fine couche de nickel qui la recouvre, striée de petites fentes qui permettent son éclatement.

 

L’appellation « dum-dum » provient d’Inde et, plus précisément, d’un faubourg de Calcutta du même nom. Les Anglais y avaient construit une manufacture d’armes et commercialisaient des balles s’aplatissant à l’impact. Ceux-ci l’avaient dupée suite aux confrontations avec les autochtones récalcitrants. L’avancée technologique des armes à feu permettait d’en réduire le calibre tout en améliorant la portée et la précision. Cependant, malgré une vitesse accrue, les impacts n’étaient pas assez puissants à leurs yeux.

 

Malgré son interdiction, la balle « dum-dum » a pourtant été introduite illégalement lors de la Première Guerre mondiale. Le général-major Raoul Pontus, commandant l’artillerie de la 3e division, nous fait part de l’utilisation cette arme redoutable lors d’un évènement d’octobre 1914 :

 

« Le 25 octobre, de bonne heure, j’allai saluer, comme tous les matins, l’amiral Ronarc’h à son poste de combat, établi à la gare de Caeskerke, et j’y remarquai une animation inusitée : les Belges venaient de faire prisonniers un officier allemand et une trentaine d’hommes, qui se trouvaient là bien gardés.

 

L’officier fut fouillé ; il avait sur lui deux modèles de cartouches, dont une espèce parut suspecte : elle présentait une légère rainure, entre la douille et l’ogive de la balle. Immédiatement, des expériences comparatives eurent lieu sur place : les deux espèces de cartouches furent essayées au moyen du revolver même de l’officier, sur une cible de fortune, composée de quelques planches. Tandis que les projectiles provenant des cartouches réglementaires – recueillis entre les planches et le mur contre lequel elles avaient été placées – ne présentaient pas la moindre déformation, les balles des munitions douteuses, au contraire, s’étaient complètement épanouies ; elles avaient pris la forme d’un champignon, quadruplant ainsi le calibre et présentant des déchirures irrégulières, qui devaient faire dans les plaies d’horribles ravages.

 

Il n’y avait pas à douter : c’étaient des balles “dum-dum”, condamnées par les Conventions de Genève et de La Haye – dont les conclusions furent, cependant, adoptées et signées par des plénipotentiaires officiels allemands –.

 

Quoi qu’il en soit, les balles furent montrées à l’officier prisonnier. “Fusillez cet homme !”, commanda sèchement le chef d’état-major de l’amiral, qui avait assisté attentivement aux expériences que je viens de décrire.  Un peloton d’exécution fut formé. L’officier allemand s’adressa à moi : “Je suis marié”, me dit-il en français, “j’ai des enfants ; les cartouches réglementaires sont les miennes ; j’ai retiré les autres – sans savoir ce que je prenais – du sac d’un officier de mon régiment, tué près de moi il y a quelques jours”.

 

La Baïonnette (12/08/1915) : une robe de bal dum-dum

 

De ce court plaidoyer, je ne voulus retenir qu’une chose : les balles étaient bien “dum-dum” ; le prisonnier lui-même ne discutait pas leur type, mais seulement leur provenance. Dans ces conditions, une exécution sommaire eût étouffé l’affaire, alors qu’il importait, au contraire, de rendre public ce fait déloyal et bien allemand ! Aussi, je me permis d’intervenir auprès de l’amiral Ronarc’h et proposai de traduire l’officier devant un conseil de guerre qui, lui, après une enquête faite au grand jour, serait certainement mieux qualifié que nous pour provoquer une protestation officielle auprès des pays neutres. Mon avis prévalut et l’officier fut averti qu’il aurait à s’expliquer devant un tribunal militaire.

 

Le peloton d’exécution fut retiré. Nous avions à peine commencé la rédaction d’un procès-verbal, destiné à éclairer les membres du Conseil de guerre, que l’officier allemand, trompant la vigilance des gendarmes placés à ses côtés, fit brusquement demi-tour et prit la fuite à travers champs, vers les lignes ennemies. C’était l’aveu !

 

Quelques secondes s’écoulèrent, longues, bien longues, et comme personne ne tirait, “abattez cet homme !” cria un officier. Tandis que de-ci de-là partaient des coups de fusil isolés, le fuyard gagnait du terrain ; il se jeta dans un fossé pour reprendre haleine, puis reparut sur la berge opposée. Pour s’alléger, tout en courant, il se débarrassa du sac qu’il portait sur le dos, et malgré le feu dirigé sur lui par les quelques hommes du Quartier-Général, il commençait déjà à prendre suffisamment de distance, pour que nous nous demandions s’il n’allait pas parvenir à s’échapper, quand une balle bien dirigée le frappa à la nuque. Il roula sur le sol. »

 

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