27 juillet 1214 : bataille de Bouvines, quand l’aigle allemand se fait voler dans les plumes

Après que Philippe Auguste se fut emparé de presque tous les fiefs des Plantagenêts, ne laissant aux Anglais que la Guyenne, le roi d'Angleterre Jean sans Terre, l'empereur d'Allemagne Otton IV et le comte Ferrand de Flandre se liguèrent contre lui.

À la bataille de Bouvines (Nord), le dimanche 27 juillet 1214, l'armée française, forte de 25 000 hommes fournis principalement par les communes, fut opposée à une coalition de 80 000 hommes commandée par l'empereur. Le matin, alors que Philippe Auguste se reposait sous un frêne, près d'une chapelle, tout en mangeant du pain trempé dans du vin, surgit l'avant-garde ennemie qui vint bousculer l'arrière des troupes françaises. La bataille s'engagea. Son déroulement est bien connu, grâce notamment à la chronique détaillée de Guillaume le Breton, à laquelle sont empruntés les extraits qui suivent.

Le comte Ferrand, couvert de blessures, fut désarçonné et capturé. Les 40 000 fantassins flamands se précipitèrent sur Philippe Auguste, le jetèrent à bas de son cheval avec les crocs de leurs lances. La solidité de son armure et l'arrivée rapide de quelques chevaliers lui sauvèrent la vie. À leur tour, les chevaliers français tentèrent de capturer Otton dont la rançon aurait été faramineuse. Quand le chevalier Pierre Mauvoisin se rendit compte « qu'il ne pourrait sa volonté accomplir pour la presse et la multitude de sa gent qui autour de lui était jointe et serrée », il essaya de l'occire d'un coup de couteau que son collègue Girard La Truie — « qui l'avait nu dans la main » — lui tendit.

N'ayant pu percer l'armure de l'empereur, il frappa une seconde fois « pour réparer le défaut du premier ». « Alors qu'il crut frapper Otton parmi le corps, il rencontra la tête du cheval qui était haute et levée, il lui asséna un coup droit en l'œil et le couteau qui fut lancé par grande vertu lui coula jusque en la cervelle. » Le cheval, comme pris d'une soudaine folie, partit en trombe en se démenant dans tous les sens, emmenant avec lui Otton, ainsi sauvé de justesse. Philippe Auguste s'exclama alors : « Otton s'enfuit, d'aujourd'hui ne le verra-t-on en la face. » Mais son cheval stoppa un peu plus loin et tomba mort. « Alors lui fut le second amené tout frais et quand il fut remonté, il se mit à la fuite au plus rapidement qu'il put... » Le célèbre chevalier Guillaume des Barres partit à sa poursuite, le rejoignit et réussit à le saisir par la nuque, « mais ne le put pas bien tenir pour le cheval qui fut fort et mouvant et pour la presse de sa gent ». Lui-même fut désarçonné et son cheval « occis ».

Il se battit « à pied contre ses ennemis et se défendait selon sa coutume par merveilleuse vertu », jusqu'à ce que le chevalier Thomas de Saint-Valéry, à la tête de « cinquante chevaliers et deux mille sergents à pied », vint lui sauver la vie. L'empereur, qui avait pu s'enfuir au grand galop, avait abandonné sur place son étendard, un aigle en bronze doré porté sur un char. L'infanterie flamande se fit exterminer.

Cette victoire est considérée comme un grand événement de l'histoire de France par l'éveil du sentiment national qu'elle fit germer. L'enthousiasme populaire que son annonce souleva tend à montrer que l'union était scellée entre la royauté et le peuple.

Retour en haut