Brian Williams, l’homme aux mille vies

Certaines personnes sont destinées à vivre une existence hors du commun. C’est en tout cas ce que l’on est tenté de se dire lorsqu’on se penche sur la vie de Brian Williams. Fils du chanteur des Platters, champion NBA, musicien puis capitaine de bateau, voici le récit un peu fou des mille vies d’un homme d’exception.

Brian nait en 1969 à Fresno en Californie. Fils d’artiste donc, il est le fils du chanteur de l’immensément célèbre « Only you ». Il se passionne très tôt pour le basket et son physique (2M08 pour 118 kilos) l’aide à imposer sa loi sur les parquets. Il se fait repérer par l’université du Maryland, l’une des plus importantes institutions de l’enseignement américain, qui l’engage pour jouer dans son équipe. Sa carrière semble toute tracée avec comme point d’orgue une arrivée en NBA après quelques années d’apprentissage du plus haut niveau. Seulement voilà, Brian n’est pas comme tout le monde et il refuse de se plier aux règles. Il s’embrouille régulièrement avec son entraîneur, avec le staff de l’équipe et même avec ses coéquipiers. La situation empire de semaine en semaine jusqu’à ce qu’il décide de lui-même de quitter cette usine à futures stars pour rejoindre une petite université sans palmarès dans l’État d’Arizona.

Malgré ce choix et son caractère, Brian parvient quand même à intégrer la meilleure ligue de basket du monde en étant choisi par Orlando. Une fois de plus, il est incapable de se tenir à carreau et les problèmes avec l’entourage de la franchise se multiplient. Il se plaint notamment de ne pas jouer assez, alors qu’il est le remplaçant de Shaquille O’Neal, l’un des meilleurs joueurs de tous les temps. Il décide donc de quitter les Floridiens à la fin de son contrat et demander le maximum d’argent possible à n’importe quelle équipe intéressée. La somme exigée est tellement extravagante que personne ne souhaite l’embaucher. Plutôt que de baisser ses prétentions salariales, il décide simplement de ne pas jouer et de rester au chômage jusqu’à ce qu’un manager l’appelle.

Les mois défilent, la saison est presque terminée lorsqu’enfin son téléphone sonne. Une équipe accepte de lui donner un petit contrat dans un premier temps afin de louer ses services pour les vingt derniers matchs. Et pas n’importe laquelle : il s’agit des Bulls de Chicago, emmenés par Michael Jordan lui-même ! Après quelques semaines au milieu de stars comme Pippen ou Rodman, le voilà champion NBA. Il se trouve dans ce qui est probablement la meilleure équipe de tous les temps, il joue avec le légendaire Jordan, tout cela alors qu’il a passé plusieurs mois au chômage. N’importe qui serait heureux de cette situation. Pas Brian. Il décide donc de quitter ses coéquipiers pour redemander le plus gros contrat possible. Cette fois-ci, il obtient ce qu’il souhaite et les Pistons de Detroit lui offrent 40 millions de dollars pour qu’ils les rejoignent (ce qui constitue le plus gros contrat de l’histoire de la franchise à ce moment-là).

C’est au cours de ce contrat que Brian va définitivement sombrer dans la folie. Il choisit par exemple de changer de nom, sans aucune raison apparente. Adieu, Brian Williams, appelez-le dorénavant Bison Dele. Il justifie son choix en annonçant qu’il souhaite par ce geste rendre hommage à ses origines africaines (cherchez le lien). Les relations entre Bison et l’intégralité du reste de la franchise se détériorent une nouvelle fois et les Pistons décident de l’échanger contre d’autres joueurs. Cette décision ne lui plait pas du tout et il déclare la guerre à son club : « On ne m’échange pas moi ! Alors votre argent, vous le gardez : j’arrête le basket ! ». Il joint les actes à la parole et rembourse la coquette somme de 36 millions de dollars pour être libéré de son contrat.

Retour à la case chômage pour Bison, avec tout de même quelques millions dans les poches pour s’adonner à ses loisirs. Il décide à ce moment d’apprendre la trompette, le violon et le saxophone et de partir avec ses instruments au Liban afin de visiter le pays. Après quelques mois, sa nouvelle vie l’ennuie et il part avec sa copine pour Tahiti où il achète un catamaran qu’il baptise le Hakuna Matata. Son frère, qui a lui aussi changé de nom (anciennement Kevin Williams, devenu Miles Dabor), et sa belle-sœur les rejoignent afin de faire le tour du monde.

Après avoir engagé un skipper nommé Bertrand, le petit groupe embarque pour commencer son périple. Nous sommes alors en juin 2002. En juillet, le bateau est aperçu au large de l’Australie mais seul Dabor semble encore y être. Durant deux mois, la famille de Bison ne reçoit aucune nouvelle de lui, ce qui commence à les inquiéter. Ils contactent la police et c’est le FBI qui va être chargé de retrouver le reste du groupe. Les craintes s’accentuent lorsque la mère de Bison et Dabor reçoit un appel venant du second nommé. Ce coup de téléphone ne dure que quelques secondes : « C’est pas moi qui l’ai tué. Je ne lui aurais jamais fait de mal, c’est mon frère ».

En septembre, le Hakuna Matata est retrouvé criblé de balles et le nom a été grossièrement effacé. Les recherches s’intensifient afin de retrouver Dabor, ce qui porte ses fruits : il a tout simplement acheté pour 150.000 dollars d’or et est parti avec le passeport de son frère disparu à Tijuana au Mexique afin d’y passer des vacances.

Le 27 de ce mois, il se rend de lui-même dans un hôpital aux Etats-Unis car il est en pleine crise d’overdose d’insuline. Le FBI arrive sur les lieux et lui somme de raconter sa version des faits. Dabor passe aux aveux avec un récit édifiant à la hauteur de la folie des deux frères : au cours d’une manœuvre, la copine de Bison se serait cogné la tête et serait décédée de ses blessures. Pris d’une rage soudaine, l’ancien basketteur se serait jeté sur le skippeur pour le tuer. Comme Dabor souhaite contacter la police afin de rapporter le décès de ces deux personnes, son frère l’attaque dans le but de lui ôter la vie à lui aussi. Dans un geste de légitime défense, Dabor tue son frère et jette tous les corps à l’eau de peur d’être pris pour le seul coupable.

Dabor décède le jour-même de son admission à l’hôpital et les dépouilles des malheureux protagonistes n’ont jamais été retrouvés. Si l’hypothèse la plus probable est que la version de Dabor constitue la vérité, n’oublions pas que nous parlons d’un homme suffisamment fou pour rendre 36 millions de dollars afin d’aller jouer de la trompette au Liban. Dans ce contexte, il n’est pas exclu de penser qu’il a pu mettre tout cela en scène pour disparaitre quelque part sur terre et vivre dans l’anonymat pour le reste de ses jours. Bison Dele est-il encore vivant ? Si oui, où est-il et que fait-il ? Encore un mystère qui ne sera probablement jamais résolu.

Auteur : Arnaud Pitout

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