Drogues de guerre – 1. L’opium : le nerf de la guerre

La vie est remplie de paradoxes. Voyez l’ironie de la fleur de pavot, devenue le symbole du souvenir des soldats anglais morts pendant la Grande Guerre (1). Aujourd’hui, d’autres soldats anglais tentent de contenir le flot de l’opium qui finance les activités des Talibans et autres terroristes islamiques, devenus les ennemis déclarés de l’Occident.

Il est paradoxal que les ancêtres victoriens de ces mêmes militaires soient les responsables de la création de ces fermes afghanes où l’on continue à cultiver le pavot, d’où ils expédiaient leurs mortelles récoltes par centaines de tonnes à quiconque voulait en acheter.

La Chine en eut vite assez du niveau d’addiction de ses populations, mais chaque fois que son gouvernement tenta d’interdire les importations britanniques d’opium, les braves et honnêtes victoriens attaquèrent la Chine, les armes à la main, pour obliger les Chinois à ouvrir leurs portes aux trafiquants de drogue de Sa Gracieuse Majesté.

 

 

La Première Guerre de l’Opium (1839-1842) eut pour résultat que Hong Kong soit offerte à l’Angleterre à titre de « compensation ». Mais tout le monde n’était pas d’accord pour faire la guerre pour pareille cause. Le nouveau Premier ministre anglais, William Gladstone, dénonça cette action au Parlement, déclarant qu’il doutait qu’il n’y ait jamais eu « une guerre aussi injuste par son origine, une guerre plus calculée pour couvrir le pays d’une honte permanente ». La Deuxième Guerre de l’Opium se déroula de 1856 à 1860, et fut aussi lamentable.

 

Destruction d'opium en 1839

 

Plus tard, les écrivains anglais tentèrent de rebaptiser le commerce de drogue en le présentant au public sous le nom de Péril Jaune. Les histoires de Sherlock Holmes fleurissent de portraits de démoniaques petits Chinois traînant les pieds d’une fumerie d’opium à une autre dans le district de Limehouse, mais il est navrant de constater que la possession d’opium sans prescription médicale n’était pas illégale en Grande-Bretagne jusqu’en 1920. Ajoutons que la population chinoise de la Londres victorienne ne dépassait pas quelques centaines d’individus.

 

 

L’addiction à l’opium était le domaine de la classe moyenne blanche, avec les matrones victoriennes se goinfrant de dérivés opiacés du style laudanum. Tout le monde y goûtait, depuis la femme du Vieil Abe, Mary Todd Lincoln, à Charles Dickens en passant par Florence Nightingale. Mais l’histoire des drogues et des militaires alla beaucoup plus loin que ça.

 

 

1. En anglais, le mot poppy désigne aussi bien le coquelicot que la fleur de pavot. Le coquelicot a été choisi pour sa couleur rouge sang, qui commémore le sacrifice des soldats. La légende veut que cette fleur sauvage fut la première qui poussa sur les champs de bataille ravagés des fameux « Flander’s Fields ».

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