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Le clergé : une histoire de curés

Le clergé : une histoire de curés

Morts vivants

Parmi les nombreux cas de morts-vivants, le plus célèbre fut celui de l’abbé Prévost. L’auteur de Manon Lescaut fut retrouvé inanimé, à 66 ans, en forêt de Chantilly. Le temps d’alerter la justice, il était déjà déposé dans l’église voisine quand arrivèrent les chirurgiens chargés de l’autopsie. Au premier coup de scalpel, l’assistance horrifiée entendit le rugissement de douleur du mort... qui mourut pour de bon à la stupeur générale. C’est pour éviter ce genre de méprise qu’en 1788 le trésorier des décimes du clergé de Toulouse prit ses précautions testamentaires: après les obsèques, son cercueil demeurera ouvert au cimetière 72 heures après sa mort. Passé ce délai, un chirurgien lui tranchera la tête. Ses souhaits furent respectés quand il s’éteignit, en 1790. L’événement attira de nombreux curieux au cimetière.

À la même époque, le curé Botel fut envoyé par son évêque, après 23 ans de sacerdoce à Boives, dans une autre paroisse, dont le curé venait de mourir. Mais arrivé dans sa nouvelle cure, il trouva attablé son confrère encore vivant, mais à l’aspect cadavérique. En fait, il n’avait eu que le temps de se réveiller et de hurler alors qu’on le portait en terre dans son cercueil. Après la joie des retrouvailles, le nouveau curé rejoignit son ancienne paroisse et décida d’y devenir le vicaire de son remplaçant, lui- même son ex-vicaire. Mais le mort-vivant proposa plutôt de se retirer. Emu par ces attitudes chrétiennes, l’évêque confirma les deux curés dans leur paroisse respective et accorda une promotion au vicaire du curé Botel.

Curé coquin

Dans son église de Wimille (diocèse de Boulogne), le curé Cossart organisait chaque dimanche des débats sur des thèmes moraux. À l’une des soirées se posa la question cruciale de savoir lequel des deux époux devait entrer le premier au lit. L’abbé Bocquillon, qui affectionnait ce genre de situation scabreuse, frétillait déjà. Le curé Cossart répondit que c’était «celui qui couche dans le coin». «Certes!», renchérit Bocquillon, «car il n’est pas décent d’enjamber l’un sur l’autre». L’assistance s’esclaffa. Ces indécences récurrentes amenèrent l’autorité diocésaine à interdire l’initiative.

Curés fumeurs

Le pape Innocent X n’avait pas interdit l’usage du tabac aux ecclésiastiques, sauf dans la basilique du Vatican. On rappelait toutefois aux séminaristes français que saint Vincent de Paul faillit rater la béatification lorsqu’on découvrit qu’il prisait. Au chœur, un chanoine faisait montre de courtoisie fraternelle quand il offrait une prise à l’un de ses confrères. Cependant, on déplorait que les prêtres utilisent les corporaux comme mouchoirs ou laissent échapper de leur nez deux ruisseaux noirs, coulant sur l’autel ou sur les évangiles !

Curés paillards

Au temps de Louis XV, surtout dans les campagnes, des curés rustres ou noceurs tenaient encore en chaire de vérité des propos grossiers et cocasses, s’enivraient, blasphémaient. Les registres des visites pastorales révèlent que certains passaient des nuits à boire et à chanter avec les garçons du village ; d’autres invitaient des jeunes filles à la cure ou s’encanaillaient avec leur servante ou d’autres femmes. Le chanoine Meusnier, de la cathédrale du Mans, avait débauché Françoise Bar, surnommée Satin. Il avoua n’en avoir toutefois profité qu’une seule et unique fois, en raison de son manque d’expérience en matière de dépucelage, et pour cause puisque cette vigoureuse femme l’avait pour ainsi dire épuisé, au point qu’il dut garder le lit trois semaines. L’abbé

Mougin, chanoine de Bazas (Gironde), entretenait à Paris Françoise Daniel, aussi plantureuse que sa prébende canoniale de dix mille livres, qui lui permettait de mener avec elle grand train de vie. À Vézelay, on ne voyait pas plus souvent l’abbé Bertier, bien que doyen du chapitre de la cathédrale. Il préférait résider à Paris, chez son oncle, car ses exigences sexuelles ne pouvaient être satisfaites que par la Lorel, maquerelle réputée du faubourg Saint-Honoré. Pendant qu’une fille « manualisait » le révérend, une autre le fouettait avec une verge. Mademoiselle Lorel déclara «que monsieur l’abbé commençait toujours comme cela pour avoir après communication charnelle avec ladite demoiselle ».

Parmi les nombreux griefs que formulèrent les jansénistes à l’encontre de l’abbé Bossu, curé de la paroisse Saint-Paul à Paris et docteur en Sorbonne, les plus graves, outre celui de non-résidence étaient ses extravagances. Ses accusateurs lui reprochaient de vivre trop souvent dans sa propriété rurale d’Athis (Orne), achetée en 1779 au nom d’une amie princesse, de se promener habillé en prélat avec des confrères et des laïcs dans les bosquets garnis de statues érotiques. Le soir, prétendaient- ils, ces gens se travestissaient, poussaient les meubles du grand salon pour chanter et danser.

Soulignons toutefois que de tels comportements scandaleux s’étaient raréfiés, car les efforts déployés par la Contre-Réforme aboutirent, au XVIIIe siècle, à former un clergé dans l’ensemble plus digne de son sacerdoce.

« Les abbés perruquets »

L’expression fut imaginée par l’abbé Thiers, janséniste, pour fustiger le port de la perruque dans le clergé. C’est l’abbé de La Rivière qui, vers 1660, y lança la mode, qui fit fureur au XVIIIesiècle. Les opposants, dans le milieu même, crièrent au sacrilège en invoquant saint Paul qui recommande de prier «tête nue». À l’Oratoire, un père préféra quitter sa congrégation que de renoncer à sa perruque. Finalement, elle fut tolérée pour les calvities sévères, à condition de la déposer à la sacristie. Certains en profitèrent pour en avoir deux: une modeste pour l’église, dite « perruque d’abbé », l’autre longue et bouclée pour la ville. Des abbés mondains, à l’image des élégantes, allèrent jusqu’à se plier à la mode des perruques à six étages, avec leur attirail d’épingles.

Comportements scandaleux du haut clergé

En 1722, le roi Philippe IV d’Espagne confia à Saint-Simon cette confidence à propos du cardinal de Rohan :

«Le roi me fit donc l’honneur de me conter que le cardinal de Borgia lui avait dit que le cardinal de Rohan, avec toute sa magnificence et les agréments de ses manières flatteuses, remportait peu de crédit et de réputation à Rome, où ses fatuités et le soin de sa beauté, quoique à son âge, avait été jusqu’à se baigner souvent dans du lait pour se rendre la peau plus douce et plus belle... ». Le couple royal et le chroniqueur en rirent de tout cœur.

Ambassadeur de France à Rome au temps de Louis XV, le cardinal de Bernis ne célébrait sa messe qu’avec un Meursault de grand cru, rétorquant à ceux qui s’en étonnaient : « Eh ! je ne voudrais pas que le Seigneur me vît faire la grimace, lorsque je communie. »

Bien des évêques ne respectaient pas l’obligation de résidence, c’est-à-dire, conformément au concile de Trente, de demeurer dans leur diocèse au moins neuf à dix mois par an et obligatoirement en période grandes fêtes liturgiques. Certes, par une patente de 1695, Louis XIV avait réduit considérablement la contrainte, mais elle fut abusivement interprétée.

Citons le cas de Monseigneur Loménie de Brienne qui serait réapparu à Toulouse en 1781 après dix ans d’absence. Une mauvaise langue prétendit que l’appât fut la distribution des prix aux jeunes demoiselles du couvent de Levignac, ou encore qu’il était escorté de « M. l’archevêque d’Aix, son ami de cœur et de sentiment, attiré à Toulouse par un procès qu’il a perdu, et de M. l’évêque de Mirepoix qui fait sa cour aux deux pre- miers, parce qu’il les croit utiles à son avancement ». Taisons les commérages cent fois plus méchants et plus salaces colportés à propos d’autres prélats. Soulignons toutefois qu’après 1750 la grande majorité des évêques avaient pris l’habitude de gouver- ner directement leur diocèse. De toute manière, en 1784, Louis XVI leur interdit de s’en éloigner sans permission dûment mo- tivée.

Fous de messes

Dans les campagnes savoyardes, le testateur ordinaire réclamait généralement une dizaine de messes à son décès. Nobles, prélats et riches bourgeois en exigeaient généralement beaucoup plus, convoquant même de véritables régiments de clercs à leurs funérailles. En 1568, à Regnier, le seigneur François de Thoyre sollicita la présence de trois cents prêtres «tous messe disant». En 1704, mille deux cents messes furent chantées à Annecy pour la veuve du médecin Nouvellet. Monseigneur de Masin, évêque de Maurienne, en exigea six mille en 1736 : deux mille à la cathédrale, deux mille chez les capucins et deux mille dans les autres églises du diocèse. C’était, croyait-on, le meilleur moyen pour passer le moins de temps possible au purgatoire.

En odeur de sainteté

Benoît-Joseph Labre (1748-1783), chartreux à Montreuil (Seine-Saint-Denis) passait sa vie en prières, tout en s’infligeant des mortifications particulières. Il ne se lavait jamais et accueillait dans sa paillasse crasseuse des centaines de puces et de poux, petites bêtes à Bon Dieu auxquelles il n’aurait voulu faire aucun mal. Ce religieux nauséabond mourut à Rome, où il fut béatifié par le pape Pie IX, en 1861.

Moniales mariées et curés travestis à la Révolution

Suite aux problèmes liés à la Constitution civile du clergé, qui forçait les ecclésiastiques séculiers à faire allégeance à l’Etat, les enquêtes montrent que seulement 27% des prêtres de Paris renoncèrent à leur état, contre 70 à 84 % dans les autres régions. En mai 1795, Monseigneur Delcher, évêque de la Haute-Loire, écrit: «Je compte à peine six à sept prêtres dans tout mon diocèse qui n’aient pas cédé à la persécution...» Mais beaucoup, dans leur nouvel emploi, étaient en fait des curés réfractaires, se déguisant pour continuer à exercer le culte, clandestinement. Ainsi, Rousseau, ancien religieux de Maroilles (Nord), se travestit en marchand de balais, en garde national, en garçon de ferme ou encore en paysan. L’abbé de Chièze, vicaire général de Carcassonne, revêtit l’uniforme de garde nationale, se fit rendre les honneurs et se plaça même à la tête d’une troupe de gens armés qui étaient à sa recherche.

Dans les campagnes privées de prêtres, comme dans la Drôme, on assista au retour en force des superstitions fanatiques, comme sonner les cloches à tout propos. En Forez, la population ne parla plus que de la missive écrite en caractères d’or de la main de Dieu !

Quant aux vœux monastiques perpétuels, ils furent supprimés en février 1790. C’est ainsi que des religieuses se marieront, épousant parfois des prêtres plus ou moins défroqués. Telle Marie-Françoise Goupil, moniale de la Conception à Paris, qui épousa le Père Duchesne, religieusement, parce qu’elle ne souhaitait pas renier sa foi.

Mathilde

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