Deux mères, deux femmes : deux frères, deux peuples.

 

Abraham eut deux fils. Voici l’histoire de leurs mères : Sara et Agar.

 

SARA

Vers 1850 à 2000 ans avant J-C.

Lieu : Our des Chaldéens (Basse Mésopotamie) sur la rive droite de l’Euphrate puis voyage vers Canaan.

Particularité : Épouse d’Abraham, mère d’Isaac et considérée comme la mère des Hébreux.

Elle s’appela d’abord Saraï (qui peut signifier la « querelleuse »), mais son nom, comme celui d’Abram (Abraham) fut changé. Sara ou Sarah voudrait dire « princesse ».

Abraham et elle eurent le même père : Tèrah. Elle était la demi-sœur de son époux. Ce qui fut utilisé comme protection par Abraham qui la faisait passer pour sa sœur plutôt que pour sa femme. Il eut en effet grâce à cela la vie sauve lorsque la famine les obligea à se rendre en Égypte où Sara fut remarquée du Pharaon qui l’intégra dans son harem. « À cause de sa beauté »… elle était désirée des hommes. Même le philistin Abimélek aurait voulu la posséder. Mais l’histoire se répétera avec Rebecca, femme d’Isaac et avec ce que certaines sources identifient comme le fils de ce roi portant le même nom que son père. Faut-il y voir une farouche volonté du rédacteur biblique à valoriser la beauté de Sara et de Rebecca ?

Rester stérile rendait Sara malheureuse. Une malédiction… Alors qu’Abraham avait reçu la promesse divine d’être le père d’une « multitude ».

Comme c’était convenu par les mœurs et les lois du temps, Sara présenta à Abraham sa servante Agar, une Égyptienne, pour qu’il couche avec elle et qu’elle engendre un enfant à sa place. Agar étant l’esclave de Sara, cette dernière serait la mère de l’enfant à naître. Seul le ventre d’Agar serait sollicité.

Mais Sara, malgré une miraculeuse grossesse qui la rendit enfin féconde et peut-être pour cela, cultiva de la jalousie à l’égard d’Agar. Au point que lorsque son fils Isaac grandit en âge, Sara profita d’une querelle entre le fils d’Agar, Ismaël (qui se moquait d’Isaac), pour demander avec cruauté qu’Abraham chasse cette servante trop envahissante.

C’est ainsi que s’exilèrent Agar et son fils Ismaël, âgé de 19 ans, perdant la protection du patriarche et son droit de fils aîné. Selon la tradition, Agar devint la mère des Arabes.

Il y a des versions « yahvistes » et « élohistes » – deux des quatre sources de rédaction de la Torah (il y a aussi des versions deutérocanoniques et un document sacerdotal) – écrites à des époques très différentes. À rappeler que la Bible fut compilée donc considérablement rédigée au Ve siècle par Esdras, mais que des versions hébraïques étaient étudiées depuis des siècles. Elles auraient disparu. Ce sera la fusion de ces versions qui permettra la rédaction finale du texte biblique.

Une de ces versions raconte l’histoire d’Agar chassée alors qu’elle était seulement enceinte et une autre beaucoup plus tard alors qu’Ismaël était adulte…

On comprend mieux, devant tant de textes différents, l’appropriation d’Ismaël comme patriarche arabe par une partie des musulmans.

On dit même que ce fut la genèse du fratricide duel entre les fils d’Israël et les fils d’Ismaël.

 

AGAR

Vers 1850 à 2000 ans avant J-C.

Lieu : Désert de Bersabée (près de Gaza, en Palestine)

Particularité : Concubine d’Abraham, servante de Sara, mère d’Ismaël et perçue comme mère de l’ethnie arabe.

La suite de l’histoire d’Agar (ou Hagar) n’est pas accessoire. La Bible elle-même lui voit apparaître Dieu à deux reprises au moins. D’abord parce que l’humiliation infligée par Sara l’oblige à l’exil et la retrouve terrassée par la soif, la fatigue et le désespoir dans le désert de Bersabée. Un ange lui apparaît alors pour lui confirmer qu’elle aussi, comme Sara, sera la mère d’une « multitude ». Il conforte le bel avenir de son fils Ismaël par une prophétie. Elle découvrira, aux portes du désert, pas très loin de la Gaza actuelle, un puits d’eau qui les sauvera, elle et son fils. Selon la tradition, Agar devint, par Ismaël, l’aïeule des douze tribus du désert d’Arabie.

Sa moralité restera exemplaire et on ne lui trouvera pas d’autre vie que celle, sacrificielle, pour la survie de son fils. Quoique, alors qu’elle était désespérée et qu’Ismaël allait probablement mourir de soif, elle le jeta un peu brusquement sous un buisson. Mais l’ange veillait et réconforta Agar en faisant apparaître un puits d’eau. Géologiquement parlant, cette région est encore aujourd’hui jalonnée de puits.

La Bible, qui n’est pas du tout raciste sur le sujet, clame d’ailleurs, en évoquant Ismaël, que « Dieu était avec le garçon », sous-entendant que Dieu veillait sur lui et l’estimait.

À noter que si la Bible déclenche le purisme des fils d’Israël en le déclarant « peuple élu », si elle méprise les étrangers comme les Philistins, les Cananéens et les Égyptiens, à aucun moment le texte biblique ne se permet d’entacher la réputation des Arabes, qui en tant que « frères » d’Isaac et « fils » d’Abraham ont droit au respect et à l’estime qu’on doit à un ennemi religieux (bien avant l’islam les Arabes étaient adorateurs de dieux païens), mais uni par le sang d’un même père.

Ismaël devint un guerrier ainsi qu’un tireur à l’arc et s’établit dans le désert de Parân. Agar lui trouva une femme égyptienne.

L’apôtre Paul, qui n’en est pas à une près, va nous donner une explication bien étrange de l’histoire de Sara et d’Agar, osant comparer Agar par une allégorie audacieuse à l’Ancienne Alliance « selon la chair » et « pour l’esclavage » et Sara à la Nouvelle Alliance de la femme libre qui enfante « pour la Promesse ».

Le ton change. D’un côté, les maudits et de l’autre, les bénis.

Et dire qu’on le dit « apôtre des nations »…

Retour en haut