La tragique origine du jeu de Colin-maillard

 

Les règles de ce jeu enfantin sont bien connues : un joueur choisi comme le « chasseur » se retrouve les yeux bandés et se met à poursuivre les autres participants. Lorsqu’il attrape l’un d’eux, ce dernier doit laisser le chasseur toucher son visage ; s’il le reconnaît, le joueur attrapé devient à son tour le chasseur. Bien qu’il nous apparaisse comme l’activité ludique par excellence, ce divertissement constitue en réalité une variante du jeu du loup, lequel par son universalité et sa simplicité, se trouve adapté à de nombreuses cultures et sociétés. Ainsi, on le retrouve par exemple, au Japon, sous le nom de Onigokko, ou Tag dans le monde anglo-saxon.

Toutefois, qu’en est-il de l’origine historique du Colin-maillard ? S’agit-il réellement d’un amusement si innocent et « bon enfant » ?

En vérité, c’est en Grèce antique qu’apparaît une forme précoce de ce jeu qui, dans les écrits de Pollux et de Suétone, est mentionné comme la « mouche de bronze ». À l’instar du Colin-maillard classique, cette version requiert qu’un chasseur poursuive aveuglément les différents participants afin de les attraper. Toutefois, il était alors permis aux adversaires de venir provoquer le poursuivant à l’aide de bâtons ou de bandelettes de papyrus.

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C’est pourtant du Moyen Âge que la véritable signification de ce jeu, vieux comme le Monde, tire son origine.

En effet, au Xe siècle, selon la légende, vivait dans le comté de Huy, en région Liégeoise (Belgique), un géant du nom de Jean Colin. À cause de sa situation extrêmement précaire, il se voit contraint d’œuvrer en maçonnerie à l’aide d’un outil qui fera bientôt sa renommée. Car en l’année 998, le courageux géant, armé de son emblématique maillet, part affronter le comte Lambert Ier de Louvain qui désire ardemment envahir la région liégeoise. Fracassant crânes et os sur son passage, il s’illustre à la bataille et reçoit, en 999, le patronyme symbolique de « Maillard » en référence à son arme fétiche.

Néanmoins, 16 ans plus tard, le destin choisira d’inscrire son nom dans l’Histoire à travers un bien tragique et funeste épisode.

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Lors d’une bataille à Florennes en l’an 1015, le chevalier fraîchement anobli se livre à nouveau dans un affrontement contre son vieil ennemi, le comte de Louvain. À cette occasion, il décide de s’ôter de son casque pour améliorer sa visibilité, mais, par pure malchance, est touché non pas par une seule flèche, mais par deux flèches : une pour chaque œil. En conséquence, le guerrier, enragé, se retrouve à lutter aveuglément contre ses ennemis au champ de bataille. Ces derniers, amusés par le spectacle, décident d’humilier le géant en perdition en l’attirant de tous les côtés. S’il n’est pas coutume de mourir au terme d’une partie de Colin-maillard, son inventeur involontaire en fit pourtant les frais puisque ses blessures, toujours selon la légende, lui auraient fait passer le maillet à gauche.

Toutefois, si le célèbre jeu se popularise au XVIe siècle, il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que ses participants y trouvent un intérêt… tout particulier !

En effet, il est alors très fréquent de se livrer à des parties endiablées de Colin-maillard à l’occasion de salons guindés qui, en vertu de leur atmosphère pudibonde, n’offrent que très peu d’interactions entre sexes opposés. Ainsi, par le biais d’un passe-temps en l’apparence fort innocente, les bourgeois et nobles de l’époque pouvaient allègrement se permettre de toucher qui bon leur semblait sans qu’aucune vile intention n’y soit décelée.

Après tout, honni soit qui mal y pense !

Alors, la prochaine fois que vous viendra l’envie de vous livrer à une haletante partie de ce jeu, n’oubliez pas de louer le brave et honorable Jean Colin Maillard qui mourut pour votre amusement ! Quelle qu’en soit la nature…

Auteur : Maxime Wève

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