Justice et violences à la Renaissance

Justice et violences à la Renaissance

Grâce charnelle in extremis

Le 17 janvier 1525, Jean de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, père de la belle Diane, fut condamné par le Parlement de Paris à avoir la gorge tranchée pour avoir comploté avec le connétable de Bourbon contre François Ier. Alors qu’il était déjà sur l’échafaud, à la Grève, un cavalier arriva au galop pour apporter une lettre de rémission du roi, grâce à l’intervention de Diane, sa favorite du moment. Ivre de bonheur, il descendit de l’échafaud en criant: «Dieu sauve le bon cul de ma fille qui m’a si bien sauvé.» Sa peine fut commuée en détention à perpétuité. Il décéda en 1539.

Humiliation des maris faibles ou trompés

Qu’il soit bourgeois ou paysan, un mari cocu ou incapable d’imposer son autorité à son épouse, était condamné à monter un âne, nu, le visage tourné vers la queue, et à déambuler ainsi dans les rues, sous les quolibets de la populace. Cette sanction humiliante, infligée aussi aux amants des deux sexes, subsistera durant tout l’Ancien Régime.

Violence maritale

Par son édit de 1556, le roi Henri II – emboîtant le pas aux États protestants dans leur effort de moralisation – partit en guerre «contre les femmes qui cellent leur grossesse» et toutes relations extraconjugales. S’ensuivit un chapelet d’ordonnances royales ou locales enjoignant la fermeture des bordels et des étuves, comme des maisons de jeu. Dans la foulée, la condition féminine empira en terre chrétienne. Le mari qui surprenait sa femme en flagrant délit d’adultère pouvait la tuer, même si elle était enceinte. La justice lui réservait la peine de mort par noyade.

Un recueil de coutumes namurois stipule qu’un homme ne commet pas de délit en battant sa femme s’il ne la tue pas. Celui d’Ardenburg (Bruges) va jusqu’à prétendre que les époux peuvent taillader leur femme de bas en haut et se chauffer de leur sang. Ils ne commettent pas d’infraction s’ils les recousent et qu’elles survivent !

Manneken pis

La justice attendait d’un assassin qu’il demandât pardon pour son crime avant de l’exécuter pour qu’il sauve au moins son âme. En 1511, à Metz, un condamné se montra insouciant, se mit à boire, demanda à « pisser » et le fit en public, sans retenue, ultime défi à la société de son temps.

Pas d’office d’office

Pour qu’une cession d’office (fonction publique) fût valable, le cédant devait lui survivre au moins quarante jours. S’il avait la mauvaise idée de décéder avant ce délai, l’office retournait au roi. D’où des procédés burlesques : mort non déclarée, consigne familiale de silence, corps du défunt conservé au saloir en été..., jusqu’au jour où un serviteur congédié ou une servante revancharde dénonçait le stratagème à la justice.

Blasphémateur, tu regretteras

Un humoriste du XVIe siècle prétendait que les chrétiens d’Occident revenant de l’Orient musulman réalisaient qu’ils étaient rentrés au pays en entendant la sonnerie des cloches, les jurons et blasphèmes fusant à tout propos. Seuls les jurements étaient plus ou moins tolérés et ne scandalisaient que les prédicateurs et les moralistes: «Ils jurent Dieu, ses dents, sa tête, / Son corps, son ventre, barbe et yeux, / Et le prennent par tant de lieux, / Qu’il est haché de tous côtés / Comme chair à petits pâtés.» Mais les seconds tenaient du sacrilège. Au Moyen Âge, les textes prévoyaient de brûler les lèvres ou couper la langue des coupables, mais, dans les faits, ils s’en tiraient généralement avec une mise au pilori. Dès le XVe siècle, et surtout au XVIe, dans le contexte de la vague d’hérésie et des troubles nés de la Réforme, la justice durcit sa position, particulièrement si on niait de la virginité de Marie, déclarait que le culte des saints était inspiré par le démon ou détruisait des statues des églises. Ainsi, le 9 novembre 1521, le moine augustin Jean Valière, premier martyr de la nouvelle foi, fut traîné au marché aux cochons de Paris où on lui perça la langue avant de le brûler vif, parce qu’il avait osé discuter la virginité de la mère du Christ. Cette décision de la Faculté de théologie de Paris était le meilleur moyen – pensait-on – d’apaiser la colère de Dieu. Un édit de François Ier renchérit en 1523: «Que les jureurs et blasphémateurs exécrables, avant que souffrir mort, aient la gorge ouverte avec un fer chaud et la langue tirée et coupée par le dessous.» En 1545, un fou qui blasphémait en se prétendant « le Messie » mit le feu à son propre cachot avant d’être jugé. Il fut sauvé de justesse, puis condamné à être brûlé vif par le Parlement de Paris. Il mourut plus vite en soufflant lui-même sur les flammes... Il suffisait de jeter quelque statue d’une église par terre ou de briser un crucifix pour endurer la même condamnation.

Viol familial et rôti de chevalier

En 1512, des paysans se révoltèrent contre les nobles, tuant certains d’entre eux avec toute leur famille. Ainsi, dans un château fort, ils ligotèrent un chevalier pour qu’il assiste, impuissant, au viol de sa femme et de sa fille avant de les tuer tous les trois, ainsi que ses autres enfants. Pis, ils assassinèrent un autre chevalier, l’embrochèrent et le firent rôtir devant sa femme et ses gosses.

Têtes clouées

À la fin du XVIe siècle, des expéditions militaires furent menées contre les armées de bandits qui pullulaient en Europe, notamment en Languedoc. Parfois dirigées par des nobles, celles-ci étaient toujours composées de pauvres hères. Lors des massacres dont ils étaient victimes, leurs têtes étaient clouées aux portes des villes.

Un petit creux

En 1522, lors de la guerre entre François Ier et Charles Quint, Montmorency dut bien constater, en entrant dans Novare, que les Espagnols avaient transformé le ventre de leurs prisonniers en mangeoires pour leurs chevaux et dévoré le cœur des Français qu’ils dépeçaient encore vivants...

Déroulement brûlant

Selon les catholiques, les protestants ajoutèrent au supplice ordinaire de l’«éventrement» par l’épée les raffinements d’une ancienne coutume perse: ils enroulaient les entrailles du supplicié autour d’un pieux, jusqu’à en vider entièrement le ventre; parfois, ils y mettaient le feu, pour le plaisir d’assister au déroulement complet.

Supplice sciant

Le supplice de la scie consistait à couper à la scie soit la gorge, soit un individu de bas en haut, tantôt à partir de la tête en position debout, tantôt à partir de l’entrejambe, la tête en bas. Ces atrocités furent encore pratiquées sur des prisonniers à la fin du XVIIIe siècle par les Vendéens révoltés, exaspérés par celles que leur infligeait l’armée républicaine.

Crimes de bestialité

Les archives de procédure criminelle prouvent que des hommes et des femmes trouvaient leur plaisir dans la relation sexuelle avec des animaux de toutes sortes, y compris des truies, des oies et des canards. En 1554, Michel Morin fut brûlé vif parce qu’il préférait sa brebis à son épouse! De même Jean Bretel, brûlé avec ses seize vaches et sa chèvre pour s’être « compromis » avec son troupeau, ou encore une jeune fille de 16 ans, consumée avec son chien... Les juges pouvaient se montrer plus cléments s’il ne s’était pas produit d’«écoulement de la semence» ou s’il y avait seulement eu «essai».

En cas de prostitution

Les peines prononcées contre les prostituées furent d’abord la prison et une amende arbitraire, puis le bannissement. Un écrivain du XVIe siècle évaluait leur nombre à cinq ou six mille à Paris. Antoine Astezan, poète italien, témoigne à la fin du même siècle :

« J’y ai vu avec admiration, une quantité innombrable de filles extrêmement belles; leurs manières étaient si gracieuses, si lascives, qu’elles auraient enflammé le sage Nestor (roi légendaire de Pylos) et le vieux Priam », dernier roi de Troyes.

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