Le célèbre « client A » du docteur Morell

FICHE MÉDICALE

 

Client A 1936 HITLER Adolf

Mesure : 1,75 m
Poids : 70 kg
Groupe sanguin : A
Pouls : normal
Respiration : normale
Examen des selles : dysbactérie (à traiter avec du Mutaflor : 1er jour : capsule jaune et du 2e au 4e jour : capsule rouge puis tous les jours : 2 capsules rouges)
Pression artérielle : variable
Visage : traits souvent tirés et figure gonflée
Digestion : troubles digestifs – douleurs violentes après les repas (soignées au Mutaflor). Injections intramusculaires de Progynon pour activer la circulation sanguine dans les muqueuses stomacales et prévenir les spasmes. Hypertrophie du lobe droit du foie. Ballonnements fréquents dus à un régime alimentaire fantaisiste (depuis 1935)
Sommeil : dort mal/se plaint de douleurs cardiaques (pas alarmant)
Voix : enrouée/avait une voix de baryton de 1922 à 1930. Traces d’usure des cordes vocales (opération du larynx réussie)
Cancer : Néant
Divers : Eczéma à la jambe droite dû à une mauvaise digestion; Porte des lunettes depuis 1935; Gingivite soignée avec de la vitamine C; Langue chargée; Ventricule gauche dilaté (bruits aortiques perceptibles)

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Docteur Théo Morell
Dermatologue
Spécialiste des maladies vénériennes
Kurfürstendamm
Berlin

Hitler sera présenté au docteur Morell en 1936, par le photographe Heinrich Hoffmann. En 1935, Hoffmann était tombé gravement malade (gonorrhée) et Morell lui avait sauvé la vie par un traitement à base de sulfamides.

 

 

 

Le docteur Morell fit ses études à Giessen, à Heidelberg et à Paris. Il fut nommé médecin assistant à Munich en 1912. Après avoir pratiqué à la Marine, il s’installe à Dietzenbach près d’Offenburg. En 1915, n’ayant aucune qualification particulière, il est nommé chirurgien sur le front occidental. En 1918, Morell s’installe à Berlin comme électrothérapeute et urologue, là aussi sans avoir reçu la moindre formation dans ces spécialités.

 

Morell s’enrichit en soignant la société bourgeoise berlinoise. Il est si bien nanti qu’en 1922, il refuse le poste de médecin personnel du Shah de Perse, alors qu’il est particulièrement connu pour sa cupidité. Auprès de ses amis, il passe pour un « sagouin malodorant ». Hitler, dont le souci de propreté relève de la pathologie, ne se sent pourtant pas sérieusement incommodé par la saleté apparente de son médecin, Eva Braun, elle, prétend « qu’il lui donne la nausée ».

 

À partir de 1937, Hitler évite tout effort physique. En 1940, le docteur Morell s’inquiète de son illustre client auquel il prescrit du Glyconorm pour favoriser la digestion des produits végétaux, combattre le ballonnement et lui procurer des calories supplémentaires pour soutenir l’effet de la Strophantine qu’il prendra jusqu’en 1944. Morell lui prescrit aussi du Vitamultin-Calcium et de l’Euflat pour combattre les troubles digestifs à partir de 1939. Depuis des années, Hitler prend des quantités anormales de médicaments. Il invite son médecin à lui dire, sans aucun ménagement, la vérité sur son état qui pourtant se révèle satisfaisant. Mais Hitler se sent malade. Il feuillette sans arrêt des publications médicales, compulse des ouvrages de médecine.

 

 

À partir de 1940, après avoir procédé à un examen approfondi de plusieurs jours, Morell lui prescrit dix gouttes par semaine de Cardiazol et de Coramin, médicaments agissant sur le centre circulatoire du cerveau, sur les nerfs vasculaires et les centres respiratoires. Hitler présente des œdèmes aux mollets et aux jambes. Il prendra aussi de la caféine et du Pervitin. À partir de juillet 1941, il lui arrive, lors de discussions animées, de porter la main sur son cœur, redoutant une attaque cardiaque. Il renonce même parfois à participer aux repas en commun. Il a l’air pâle, faible, déprimé, usé.

 

Août 1941. Hitler se plaint de gastralgies, de flatulence, de frissons et d’accès de faiblesse. La diarrhée vient s’ajouter à ses misères. On fait un électrocardiogramme qui révèle une sclérose coronaire progressive. Morell prescrit à son client de l’acide nicotinique, du Strophantin et dix gouttes de Sympathol par jour, pour augmenter le volumeminute du coeur et compenser l’insuffisance vasculaire.

 

En mai 1943, Hitler se plaint de maux de tête et admet pour la première fois que sa mémoire l’abandonne. Lors de la catastrophe de Stalingrad, il contracte une encéphalite grippale. À l’époque des défaites en Afrique, ses yeux sont ternes, ses joues sont marquées de taches rouges. Son maintien se ressent d’une légère cyphose des vertèbres dorsales et d’une scoliose peu prononcée, mais la symétrie de sa silhouette ne s’en trouve pas affectée. Un léger tremblement affecte son bras gauche et sa jambe gauche qu’il traîne. La coordination de ses mouvements est visiblement dérangée. Il est plus irritable et il répond par des colères à des objections. Il se répète et revient toujours, comme un vieillard sénile, à son enfance et aux débuts de sa vie politique, mais il garde sa lucidité.

 

 

En juin 1943, Hitler est un vieillard. Pour stimuler son appétit, vaincre sa fatigue, et augmenter la résistance de son organisme, il prend deux fois par jour des comprimés d’Intelan, du Tonophosphan, les Antigas-Pillen du docteur Köster et du Mutaflor, qui fut remplacé par le Trocken-Coli-Hamma. Un jour sur deux, il prend deux ampoules de Prostacrinum ainsi que du Vitamultin-Ca en injections intramusculaires. Il faut savoir que c’est à partir de 1942 qu’Hitler ne prend plus de risques militaires. Alors qu’en 1935, il semblait poussé par une impatience maladive, il est maintenant d’une prudence tatillonne et sénile. La plupart de ses généraux sont les victimes de sa méfiance maladive et de ses accès de rage.

 

Février 1944. Hitler se plaint d’une brusque baisse de l’acuité visuelle de son œil droit. Diagnostic du docteur Löhlein, directeur de la Clinique universitaire de Berlin : « Infiltration de sang dans le corps vitré, mais l’examen de l’œil ne relève pas d’altérations pathologiques. » Le docteur Löhlein lui recommande un traitement par les rayons et les applications d’Homatropin pour l’œil droit, de Veritol pour l’œil gauche. Morell déconseille à son patient les émotions fortes. Il lui suggère de prendre moins de calmants et de lire des ouvrages distrayants avant de s’endormir.

 

En réalité, l’acuité visuelle de l’œil droit d’Hitler s’est trouvée réduite pendant quelques semaines seulement.

« Si ma vie s’était terminée le 20 juillet 1944 (attentat manqué de Stauffenberg), cela aurait été pour moi la délivrance de mes soucis, de mes nuits blanches, de mes graves troubles nerveux », affirmerat- il le 31 août 1944.

 

 

Pendant les derniers temps, Hitler ne dort plus que deux ou trois heures par nuit. Les efforts physiques et psychiques ruinent son organisme. À partir de mai 1944, sa main gauche tremble plus que jamais. Morell continue à lui administrer des injections de Testoviron (préparation à base d’hormones sexuelles), lui prescrit des extraits de cœur et de foie, lui donne des comprimés à base de Pervitin et de caféine, lui fait respirer deux ou trois fois par jour de l’oxygène pur et l’autorise à prendre à sa guise du Cardiazol. Hitler, pour la première fois, souffre de troubles de l’équilibre. Toute la moitié gauche de son corps est agitée par un tremblement continuel. Il ne marche plus qu’avec peine.

 

Septembre 1944. Hitler est torturé par des maux de tête soignés avec de la cocaïne. Il contracte un ictère : sa peau se colore, la sclérotique jaunit, il souffre probablement du foie, car il se plaint de douleurs dans la région de la vésicule biliaire qui l’affaiblissent fortement. Hitler ne quitte plus l’abri bétonné et voit partout du danger. Viennent s’ajouter les troubles cardiaques, des maux de dents et des soucis accablants du fait de la situation militaire. Le 17 septembre, une crise cardiaque le cloue sur son lit.

 

 

Diagnostic du docteur Blaschke :
« Quand je lui rendis visite, il était alité, mais ses yeux n’avaient pas perdu leur éclat. Il parlait d’une voix très faible, ne disant que l’indispensable. Quelques jours plus tard, je le trouvais sur une chaise ; peu après, il était de nouveau debout. »

 

L’électrocardiogramme détectera un infarctus du myocarde. Morell peut simplement conseiller à Hitler, qui est allongé, de ménager ses forces. À la suite d’une nouvelle infection grippale, il contracte une sinusite, il est pris de vertiges et de transpirations abondantes. Il mange très peu, la soif le tourmente, il souffre de crampes à l’estomac et perd trois kilos, du 28 au 30 septembre. Écoutons encore le docteur Morell :

« Hitler rejeta la couverture et retroussa sa chemise de nuit... pour que je puisse examiner son ventre... Celui-ci était quelque peu gonflé et montrait à l’aperçu des signes de météorisation (accumulation de gaz dans l’intestin). Il n’y avait pas de sensibilité à la pression. L’épigastre droit et la région de la vésicule biliaire n’étaient pas non plus sensibles à la pression. J’examinai ensuite les réflexes abdominaux à l’aide d’une épingle double... Ils me semblèrent très vifs. Je demandai au malade la permission de procéder à un examen neurologique de contrôle... il était d’accord. Je recouvris alors son ventre de sa chemise de nuit et je tirai la couverture... Je n’avais pu constater aucune anomalie de ses organes génitaux. Je lui demandai de retirer sa chemise de nuit, ce qu’il fit avec mon aide. Je fus frappé... par la sécheresse relative de la peau blanche. Même à l’odeur, je ne notai aucune transpiration. Les mouvements de la tête se faisaient dans tous les sens. Les muscles du bras présentaient une certaine rigidité pendant les mouvements, flexions et allongements des bras. Hitler suivit cet examen neurologique avec beaucoup d’intérêt et me dit : “Abstraction faite de cette excitabilité nerveuse, j’ai un système nerveux très normal et j’espère que tout s’arrangera dans les plus brefs délais. Mes crampes intestinales s’atténuent. Les lavements à la camomille ont entraîné hier et avant-hier des selles... et je devrai faire plus tard un autre lavement... Pendant les trois derniers jours, je n’ai presque rien mangé; l’intestin est pratiquement vide... Il a pu se reposer pendant ce temps.” Puis il dit : “Pendant que nous discutons, n’oublions pas le traitement ! Regardez encore une fois mon nez et mettez-y votre truc à la cocaïne. Mon larynx est mieux, mais je suis toujours enroué.” Je lui appliquai alors le traitement demandé. Au bout de quelques instants, il dit encore : “J’ai l’impression que ma tête se dégage, je me sens si bien que je pense pouvoir me lever bientôt. Il est vrai que je suis si exténué, ce qui provient sans doute des fortes crampes intestinales et du jeûne prolongé.” Quelques instants plus tard, je remarquai qu’Hitler fermait les yeux et que sa figure assez rougie virait au blanc. Je lui tâtai le pouls qui était rapide et mou. Le rythme était de 90 pulsations environ, mais il me semblait plus débile que d’habitude. Je lui demandai comment il se sentait et n’obtins pas de réponse. Un léger collapsus avait fait perdre connaissance au malade. Sa figure avait encore pâli ; elle était parcourue de contractions fulgurantes. En même temps, Hitler ramenait les deux jambes vers le ventre. Quand le valet de chambre s’en aperçut, il dit : “Voilà que le Führer est repris de coliques ; laissez-le tranquille maintenant ! Il veut dormir !” Nous ramassâmes en silence les instruments et quittâmes rapidement la pièce. »

 

Décembre 1944. Son dos est irrémédiablement voûté, sa figure couleur de cendre. Il avance péniblement, la moitié gauche de son corps est agitée par un tremblement continuel. Quand il veut s’asseoir, il faut lui glisser une chaise sous le séant. Il n’est plus capable de faire lui-même ce geste. La lumière lui fait mal aux yeux. Bien que son esprit semble encore frais, vif et entreprenant, si l’on fait abstraction d’une certaine lassitude générale, il n’est plus guère que l’ombre de ce qu’il a été autrefois. Écoutons le docteur Giesing :

« Quand j’ai vu, à la mi-février, la figure d’Hitler, j’ai été surpris par le changement. Il me semblait vieilli et plus voûté que jamais. Son teint était d’une extrême pâleur, il avait des poches sous les yeux. Sa voix était claire, mais très faible. Je remarquai aussitôt le tremblement intense de son bras et de sa main gauche, qui s’accentuait dès que la main manquait d’un support ; c’est pourquoi Hitler s’efforçait toujours de s’appuyer sur une table ou une banquette... J’avais l’impression qu’il avait des absences et n’arrivait plus à se concentrer, il semblait totalement épuisé et lointain. Ses mains étaient également très pâles, ses ongles exsangues. »

 

 

À partir de février 1945, Hitler n’est plus qu’une loque. En dépit de son entêtement sénile, il tolère maintenant qu’on lui présente des objections, qu’on le contredise, ce qui autrefois eût été inconcevable. Les médecins sont formels : Hitler souffre de la maladie de Parkinson.

 

Le docteur Morell quitte Berlin le 21 avril, et son « client A » qui fait les derniers préparatifs pour la fin. Pendant les derniers jours, il dispose de médicaments qui lui permettent de tenir. Il connaît l’arsenal médical et prend ce qu’il juge nécessaire. Quelques jours plus tard, Hitler se suicide. Morell ne survit que de peu au Führer. Il sera interné à l’infirmerie du camp de prisonniers américain à Dachau. Il gît, paralysé et couvert d’ecchymoses, sur un lit de camp ; il se plaint de douleurs cardiaques et raconte ses misères. En 1948, il meurt dans un hôpital militaire sur les bords du Tegernsee, après avoir mis à la disposition des autorités américaines tous les documents, diagnostics, recommandations, expertises, rapports médicaux ainsi que la correspondance avec les confrères consultés au sujet de Hitler et ses souvenirs personnels sur son célèbre « client A ». C’est grâce à ces documents que ce chapitre a été rédigé.

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