Jeux interdits
Le 14 juin 1940, à sept ans, le petit Jacques s’initiait au lancer de couteaux de cuisine dans le jardin de la maison de campagne de ses parents, à Parmain, près de L’Isle-Adam. Mais l’un d’eux, qu’il avait lancé contre un tronc d’arbre, lui revint en pleine figure. Il en a gardé une cicatrice indélébile près de l’œil droit. Deux ans plus tard, il s’amusait innocemment avec son copain Darius à couper dans les kilomètres de fil des téléphones de campagne allemands pour en faire des ficelles ou pour jouer au lasso, à la grande peur de ses parents.
Mère poule
Avant que Jacques ne rentre de l’école, sa maman plaçait toujours à son intention, sur la table de la cuisine, une sucette dont le papier avait été soigneusement retiré pour lui éviter la fatigue de la déballer. Et quand il étudiait, elle demandait aux visiteurs de revêtir une blouse blanche pour que le petit ne choppe pas de microbes.
Dépucelage
En 1947, à 15 ans, lassé par ses études et par l’autorité de ses parents, il s’engagea, sans l’accord de ceux-ci, comme élève-pilote sur le Capitaine Saint-Martin, un navire marchand de 5 000 tonnes. Le commandant de bord et Jacques, qui le surnommait Le Bosco, se lièrent très vite d’amitié. Une nuit, en escale à Alger, le premier emmena le second et quelques autres matelots dans un lupanar de la Casbah. Cette nuit-là, Jacques Chirac perdit son pucelage dans un bordel.
Hélicoptère intéressé
D’après ses camarades de l’E.N.A., il était un grand gaillard agité et indépendant. Son surnom sera d’ailleurs « l’hélicoptère de Sciences-po », car il mouvait tout le temps les bras comme des pales. C’est durant ses études qu’il fit la connaissance de Bernadette. Il répondit d’abord de manière fort intéressée à ses marques d’affection suprême : il lui faisait rédiger ses fiches de lecture, travail imposé auquel il répugnait.
Godasses salvatrices
En 1952, à 19 ans, Chirac partit en Scandinavie avec un condisciple, Bernard Neute. La voiture de Bernard, avec laquelle ils voyageaient, était une vieille 54 C Salmson de 1932, qui avait donc près de 20 ans. La dynastar qui faisait office de dynamo tombait souvent en panne. Un soir, elle lâcha à 60 kilomètres de la ville la plus proche. Les deux amis arrêtèrent le premier automobiliste de passage et tentèrent de lui expliquer que le moteur fonctionnait, mais pas les phares. « Pas de problème, répondit celui-ci, j’habite à 80 kilomètres, j’allume mes gros phares et vous me suivez, je vous invite à loger à la maison. » Il fallait grimper une route de montagne et le Suédois roulait vite. Mais voilà que Chirac, comme il le raconte lui-même, fut pris d’un urgent besoin naturel. « Impossible de s’arrêter, dit-il. J’essaye de me contorsionner pour pisser par la fenêtre. Sans succès. En désespoir de cause, je finis par enlever ma godasse et par pisser dedans avant de la vider par la fenêtre. J’ai dû recommencer le manège plusieurs fois. »
Faire contre mauvaise mine bon coeur
En 1952, Chirac fit plusieurs voyages à travers la France avec des condisciples de sa promotion. L’un d’eux se déroula dans les mines de charbon de Lorraine avec Béatrice de Andia, à une époque où il était interdit aux femmes d’y descendre parce que, prétendait-on superstitieusement, leur simple présence risquait de provoquer un éboulement... Mais Jacques réussit à convaincre son amie de se déguiser en garçon et de l’accompagner dans le puits, à 1 100 mètres de profondeur.
« En sortant de ce calvaire, raconte-t-elle, nous avons bien évidemment des marques sous les yeux. Malgré mon débarbouillage énergique, les empreintes de charbon se devinaient et me désignaient comme coupable devant les mineurs. C’est alors qu’ils se jetèrent sur moi, me reprochant d’être descendue et de provoquer par la même un éventuel accident. Avec calme et bon cœur, Jacques s’interposa alors pour calmer l’ensemble de la troupe qui déjà menaçait de faire grève. »
Quiproquo entre Masos
En 1973, Jacques Chirac, amateur de sports en tout genre, accepta volontiers l’invitation de Pierre Mazeaud – secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports – d’assister à un match de rugby du Tournoi des Cinq Nations au Parc des Princes. à l’issue d’une médiocre première mi-temps du XV de France, les 50 000 spectateurs scandaient : « Maso Maso Maso. » Jacques Chirac se tourna vers Pierre Mazeaud pour lui dire: « Pierre, je ne te savais pas si populaire ! » Et Albert Ferrasse, président de la Fédération Française de rugby, de lui expliquer : « Il ne s’agit pas de notre secrétaire d’État, mais de Jo Maso de Narbonne – trois quarts centre de l’équipe de France de rugby entre 1966 et 1974 – que les spectateurs réclament. » Par la suite, Jacques Chirac devint plus attentif aux problèmes sportifs.
Artiste inaccompli
Quand le Premier ministre Jacques Chirac vint présenter sa démission à Valéry Giscard d’Estaing en 1976 (les deux hommes ne s’entendaient pas), il déclara, sans rire :
« Monsieur le Président, je me rends compte que je n’ai pas toujours bien réussi à vous servir dans l’exercice de mes fonctions de Premier ministre [...] Je puis vous assurer que je n’ai pas du tout l’intention de gêner votre action politique, et d’ailleurs vous n’entendrez plus jamais parler de moi en politique. [...] Je ne sais pas encore ce que je vais faire. J’hésite entre plusieurs possibilités. L’une serait d’ouvrir une galerie de peinture. Je me suis toujours intéressé à la peinture. » On ne mesurera jamais assez, écrit P. Girard, « ce qu’a fait perdre à l’art contemporain l’abandon de ce dessein grandiose ».
Tuer Chirac pour la postérité
Le matin du 14 juillet 2002, Maxime Brunerie, étudiant attardé, avait averti sur un site web néonazi : « Regardez la télévision ; ce soir, la star ce sera moi. » Sur les Champs-Élysées, l’individu franchit sans problème le cordon de sécurité prévu pour le défilé avec son étui à guitare. Il en sortit une 22 long rifle – achetée quelques jours auparavant et testée par lui-même en Bourgogne – quand le président passa à sa hauteur, dans sa voiture de commandement. Il ajusta, tira, mais à ce moment, un spectateur eut l’heureux réflexe de se jeter sur lui pour détourner la carabine. Les services de sécurité purent immédiatement maîtriser le forcené. Chirac ne se rendit compte de rien et la voiture présidentielle continua son petit bonhomme de chemin. Le président se dit simplement étonné quand il apprit la nouvelle...
Le jeune homme avait prévu de se suicider après son crime « pour entrer dans l’histoire », répétant aux jurés de la Cour d’assises de Paris, deux ans plus tard, que sa vie « n’était pas intéressante ». On retrouva au domicile de ce néonazi un exemplaire de Mein Kampf. Il était trésorier d’une association dont rien que le nom est tout un programme : « Baise, bière, baston. » Au procès, les experts psychiatriques estimèrent que sa capacité de jugement était « altérée », mais pas « abolie ». Le 17 décembre 2004, il fut condamné à dix ans de réclusion ferme.
L’année de son forfait se posait plus que jamais la question de la sécurité des responsables politiques. En mars, un forcené avait tiré sur le conseil municipal de Nanterre, tuant huit de ses membres, et, en octobre, un autre poignardait à l’Hôtel de Ville de Paris le maire Bertrand Delanoë, en pleine fête de la Nuit blanche...