Charles VI : une histoire de fou !

Prince aimable, mais de nature nerveuse et impressionnable, le futur Charles VI ruinait sa santé déjà fragile en plaisirs et ripailles. Le 5 août 1392, alors qu’il manifestait des troubles sensoriels passagers depuis quelques mois, le prince devenu roi chevauchait dans une forêt du Maine pour aller venger le connétable Olivier de Clisson, qui avait été attaqué par un cousin du duc de Bretagne, Pierre de Craon.

Quand il sortit du bois, il fut aveuglé par le soleil et se plaignit de la chaleur, d’autant qu’il était revêtu d’un gros pourpoint. Sa suite, dont deux pages, se tenait à distance pour ne pas l’incommoder en soulevant de la poussière. L’un des pages s’endormit et sa lance tomba bruyamment sur le casque de l’autre. À ce bruit, le roi sursauta en s’écriant : « Les ennemis ! Aux armes ! » et, l’épée au poing, chargea devant lui son propre frère, qui s’enfuit au galop. Au passage, il renversa les pages, puis blessa et tua des gens de l’escorte. Quand il arrêta sa course folle, épuisé, le chevalier Guillaume Martel parvint à le ceinturer par-derrière. Le roi fut emmené sur une litière, lançant des regards haineux à ses proches, et délira quatre jours. Certains invoquèrent un empoisonnement par son frère, le duc d’Orléans, expert en alchimie et en poisons, d’autres un ensorcellement.

Après quinze jours, il se rétablit, mais il fallut se rendre à l’évidence : le roi était fou ! À intervalles réguliers, ses crises reprenaient et il finit par n’être plus qu’un infirme, jouet de son entourage. En cas de crise, on l’attachait à son lit, sinon il lui arrivait, sous l’effet des charbons ardents qu’il croyait sentir brûler en lui, de courir à quatre pattes sur les dalles de sa chambre en hurlant longuement, comme un loup blessé. Selon Juvénal des Ursins, fin 1405, ce malade hargneux était « tout plein de poux, de vermine et d’ordures ». Il fallait recourir à dix hommes, déguisés et le visage noirci, pour le laver, le raser, le faire manger…

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