Lexique et anecdotes sur la mode du XIXe siècle

lexique et anecdotes sur la mode du XIXe siècle

Carcan meurtrier

La Révolution avait aboli le corset dur au profit du souple, et pourtant... Un journal parisien signalait en 1859 qu’une très jolie jeune femme de 23 ans était morte deux jours après un bal ; l’autopsie révéla qu’en raison de son corset, le foie avait été percé par trois côtes.

Crinoline à porte

La cage, ou crinoline, était une jupe à entrecroisement de cerceaux et de supports verticaux, inventée vers 1856 et fabriquée par Peugeot. Deux ans plus tard, elle devint si ample qu’on devait y entrer par une petite porte. Comme au siècle précédent, on déplora l’étroitesse des portes, des trottoirs et des wagons de chemin de fer.

Faux-cul

Le faux-cul était un jupon, apparu en 1870, qui donnait à la femme un derrière monstrueux. Son rembourrage au niveau des fesses était à l’origine de son nom. On déplora l’étroitesse des trottoirs et on évoqua la nécessité d’élargir les portes! À partir de 1883, les faux-culs perdirent leur tournure et prirent le nom de faux-cul strapontin parce qu’ils étaient conçus de manière à ce que ses cerceaux articulés puissent se relever contre le dossier d’une chaise au moment de s’asseoir et que les femmes puissent s’y tenir bien droit. Cet appareil, qui semblait avoir pour mission de transformer la femme en mobilier, disparut en 1888.

Femmes cyclistes

La bicyclette est née dans les années 1880. On s’est demandé pendant plusieurs années s’il ne fallait pas interdire ce «sport immoral» aux femmes, «légères et indépendantes», soit parce qu’elles étaient trop ravies de montrer leurs jambes, soit parce que le vélo entraînait un changement radical de leur tenue ves- timentaire à une époque où le port de vêtements masculins leur était encore interdit. Le docteur O’Followel avait prédit que ce passe-temps engendrerait une génération de femmes stériles ou provoquerait des avortements systématiques. Le contact de la selle sur l’entrejambe donnerait des satisfactions génitales et serait donc une espèce de masturbation sportive. La cyclomanie provoquerait chez les femmes cyclistes des crises de folie sen- suelle. L’Echo de Paris du 10 octobre 1898 relate la condamnation à huit jours de prison ferme, par la huitième Chambre correctionnelle, de Mademoiselle Lanjallée pour outrage publique à la pudeur: elle a circulé à vélo, depuis le quai Malaquais à la place Saint-Germain, les jupes retroussées, les jambes seule- ment couvertes de simples chaussettes. Mais le docteur Bellen-contre, lui, encouragea les femmes à poursuivre cette activité qu’il estimait excellente pour leur santé. La mode s’en mêla. On conseilla la voilette et les gants à trois boutons, voire des pantalons de dentelle tombant sur le genou.

La pratique du vélo contribuera à l’égalité des sexes puisque, grâce à lui, les femmes purent finalement porter le pantalon entier, qui se mua en rempart de la pudeur féminine : en 1890, il permit aux femmes d’accéder à l’impériale des omnibus, par l’escalier qu’elles montaient en principe devant les hommes. Et il valait mieux à nouveau pour elles de ne pas transgresser les règles de la décence, dont la rigueur variait d’un pays à l’autre. En Autriche, une jeune française fut arrêtée et fouettée parce qu’elle avait découvert sa jambe trop haut en montant en voiture...

Maillot de bain pour hommes

Quand, dans les années 1890-1910, les hommes commen- cèrent à revêtir un maillot de bain, le court vêtement fut pros- crit parce qu’il trahissait les réactions intimes. En conséquence, des décrets municipaux prescrivirent que le caleçon de bain serait en tricot et couvrirait le corps jusqu’aux coudes. Quant aux personnes sortant de l’eau nues, elles étaient passibles du tribunal correctionnel.

Maillot de bain pour femmes

En 1841, selon l’écrivain Alphonse Karr, avec leur costume de laine, leur veste, leur pantalon et leur bonnet de toile cirée, les baigneuses paraissaient « une foule de singes teigneux qui gam- badaient sur la plage ». Jusqu’aux environs de 1875, elles furent harnachées jusqu’aux oreilles de ces accoutrements affreux, de teinte foncée pour éviter qu’on ne devine leurs formes à la sortie de mer. La mode du maillot d’une seule pièce ne s’imposera que vers 1900.

Robes de baptême démesurées

Au cours du XIXe siècle, les robes de baptême acquirent une longueur d’1,30 mètre. Cette coutume perpétuait une vieille superstition: simuler deux fois la taille du bébé était, aux époques de mortalité infantile dévastatrice, un moyen de se convaincre qu’il grandirait bien.

Tuyaux de poêle masculins

Entre 1820 et 1840, les hommes coquets portaient un corset qui leur permettait d’afficher une taille étranglée et un maintien militaire. En 1897, Jean Lorrain comparut les dessous masculins à des « tuyaux de poêle » ou à des « ustensiles de fumistes ».

Genèse du soutien-gorge

Créé en 1889 par Herminie Cadolle, le soutien-gorge tenait encore du corset, car il se portait aussi au-dessus de la chemise et gainait encore douloureusement l’abdomen et l’aine. Il devint plus confortable et plus large dans les années vingt. À l’origine, il comportait deux laçages, de manière à diviser nettement le corps féminin en deux et bien le distinguer de celui de l’homme. Il permettait aux femmes de délacer leur poitrine sous leur robe pour créer un contraste entre la taille mince, soulignée par les robes cintrées à la mode, et le décolleté. Celui que la doctoresse française Gaches-Sarraute proposa en 1900 descendait bas devant pour soutenir le ventre, s’appuyait sur les hanches pour faire cambrer le torse et donner au corps la forme en S de l’art nouveau, tout comme celui des sans ventre de la dernière décennie du siècle. Mais cette fois l’étau se relâchait, favorisant la respiration, et ne soutenait pas la poitrine. Aussi suggéra-t- elle, pour maintenir les seins volumineux, des « brassières reliées aux épaules ». C’est ainsi que le soutien-gorge moderne fit son apparition, mais encore fort timidement. Il faudra en fait attendre la Deuxième Guerre mondiale pour voir disparaître les corsets.

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