À la naissance de Daniel Boone, en 1734, les États-Unis ne couvrent même pas le tiers de leur territoire actuel. Les premiers émigrés venus d’Europe se sont concentrés, on l’a dit, le long de la côte atlantique, du Canada à la Floride, où ils ont commencé à bâtir leurs premières cités.
New York n’était encore qu’un gros village. Il n’y avait pas si longtemps que Manhattan se couvrait d’une forêt très dense où les cerfs et les pumas se frayaient un passage qui deviendrait un jour Broadway, la cinquième Avenue. D’après les rares informations dont on dispose en ce temps-là, on sait que les territoires à l’ouest des Appalaches sont habités par des « sauvages » à peau rouge, aux coutumes étranges et souvent cruelles. On ignore leur nombre exact et on ne le saura jamais (entre un et cinq millions, suppose-t-on, répartis en quelques centaines de tribus). Plus tard, on comptera plus d’Indiens morts que d’Indiens vivants. (La présence de ces peuplades amérindiennes sur le continent américain remontait à 20 000 ans : à l’époque de la dernière glaciation, des migrations humaines en provenance d’Asie avaient pris possession du territoire nord-américain en passant par le détroit de Béring, alors pris par les glaces).
En cette fin de XVIIIe siècle, l’Ouest sauvage commençait au Kentucky. L’actuel Tennessee était encore plongé dans l’inconnu. Un homme était pourtant bien décidé à « aller voir » de l’autre côté de cette frontière qui ne figurait sur aucune carte, au-delà de cette chaîne de montagnes qui avait provisoirement arrêté l’arrivée des premiers colons européens. Cet homme, c’est Daniel Boone : de la pure graine d’aventurier, qui deviendra l’une des premières icônes de la conquête de l’Ouest, l’un des tout premiers à ouvrir une porte sur le Far West.
À 12 ans, il tue son premier puma
Qui était vraiment Daniel Boone ?
Né, croit-on, le 2 novembre 1734, à Reading (en Pennsylvanie), il quitte l’école bien avant d’avoir appris à lire et à écrire pour courir sur les versants boisés des Appalaches. Cadet d’une famille de six enfants, il vient au monde dans une cabane en bois, qui existe toujours aujourd’hui. Il se sent très vite à l’étroit au sein de l’austère communauté quaker où il a vu le jour. Ses parents ont fui les persécutions religieuses qui sévissaient en Angleterre. Ayant reçu son premier fusil à 12 ans, il apprend à tirer et à piéger le gibier. Au cours d’une de ses premières sorties dans les bois, un puma s’apprête à lui sauter dessus. Alors, crânement, sans perdre son sang-froid, le jeune garçon abat le félin d’une balle en plein coeur. Le virus de la chasse est entré en lui. Il fréquente volontiers les quelques villages indiens de la région qui n’ont pas encore plié bagage devant l’invasion blanche, et il apprend sans doute beaucoup à leur contact. Sa vocation d’homme des bois est déjà toute tracée. Sa seule école sera buissonnière.
S’il n’a reçu dans son adolescence que peu d’éducation, il possède toutefois des qualités d’autodidacte. Dans ses courses à travers les bois, il emporte volontiers dans sa besace un exemplaire de la Bible et une version des Voyages de Gulliver, ses lectures favorites. L’existence aventureuse de Boone commence de très bonne heure. Et si son éducation comporte des lacunes, il est incontestablement doué pour chasser le castor, l’ours, la loutre et le daim.
Même son chien ne sait pas le suivre
Déjà, sa silhouette annonce celle de tous les trappeurs qui se lanceront bientôt à sa suite sur les pistes de l’Ouest. Grand diable aux cheveux noirs, à la barbe hirsute, on l’aurait pris pour un ours, à quelques mètres, couvert de peaux et de fourrures de la tête aux pieds. La poire à poudre, le coutelas et la hachette à la ceinture, le long fusil à pierre à la main complètent l’équipement de ce personnage insolite, qui peut, de prime abord, paraître farouche et peu engageant si des yeux extraordinairement bleus et pétillants de malice ne venaient éclairer ce visage tout en poils et en plis de peau boucanée. Si l’on excepte son chien fidèle, qui avait beaucoup de mal à le suivre, ce pionnier était avant tout un solitaire, qui ne supportait pas la présence d’un homme blanc à moins de cent miles.
Boone avait fait ses premières armes au cours de la guerre d’indépendance. À cette époque, la côte Est des futurs États-Unis vivait une situation plutôt chaotique : les Anglais voulaient maintenir leur domination sur les colonies d’outre-Atlantique et se battaient contre les Français qui avaient déjà pris pied en Louisiane et au Québec. Quant aux colons venus d’Europe et fraîchement installés, ils se considéraient déjà comme des citoyens américains à part entière et étaient bien décidés à couper tout lien avec leur continent d’origine, à s’affranchir de toute ingérence « étrangère ». Ils ne tarderont pas à rejeter à la mer tous les détachements militaires venus d’Angleterre pour les soumettre. C’est ce qu’on appela la guerre d’indépendance, qui verra triompher la première expression du nationalisme américain, sur un territoire qui ne représentait pourtant qu’une maigre partie des futurs USA. En 1789, George Washington devient le premier président de la nouvelle nation en train de se construire.
Il crée un premier village en territoire ennemi
Le jeune Boone s’est mêlé quelque temps au conflit. Mais il a choisi le mauvais camp : celui des Anglais. La défaite consommée, il retourne à l’état civil et se convertit un moment en conducteur de chariot. Il exerce aussi brièvement les métiers d’arpenteur, d’agent commercial et d’agriculteur, mais chaque fois qu’il le peut, il redevient un « homme des bois ». Déjà le regard du jeune Boone est tourné vers l’Ouest et ses territoires vierges. Pour ce trappeur solitaire, qui ne supporte aucune frontière, rien ne peut limiter son territoire de chasse. Et il est bien décidé à se frayer un passage en direction de ces étendues sauvages. Avant de s’embarquer pour l’inconnu, Boone épouse, à 22 ans, une de ses voisines, Rebecca, qui partagera sa cabane au fond des bois, en plein territoire Cherokee. Le jeune aventurier entreprend de tracer un chemin en direction de la Caroline du Nord et du Kentucky. Cette première piste sera baptisée « Wilderness Road » (la route sauvage). Payant d’audace, il crée bientôt un premier village en territoire « ennemi », auquel il donne son nom : Booneborough. C’est le premier jalon anglophone posé à l’ouest des Appalaches. Mais, très vite, il se heurte à l’hostilité croissante des tribus voisines qui supportent mal cette intrusion. Les Cherokees déterrent la hache de guerre. Boone se voit obligé de créer une milice pour repousser les « agresseurs ». Ce sera pour lui une activité récurrente, car la même nécessité de faire reculer l’occupant primitif se représente chaque fois un peu plus loin.
Mis à part la précédente expédition de Lewis et Clark, Daniel Boone, au cours de l’une de ses campagnes punitives contre les Indiens, est l’un des tout premiers blancs à s’aventurer aussi profondément à l’intérieur des terres, comme en témoignent ses initiales qu’on retrouvera plus tard, gravées sur des arbres en divers endroits du pays.
Il s’en va pendant deux ans
Mais les compagnons de Boone, des chasseurs principalement, hésitent à le suivre plus loin dans cette riche vallée du Kentucky où il les a entraînés. Car la terre de ce pays de « l’herbe bleue » – ainsi surnommée en raison de son extraordinaire fertilité – menace de rougir rapidement, les Indiens Cherokees étant bien décidés à massacrer tous les nouveaux arrivants. Boone reste seul sur place. Il explore la région, étudie le relief, remonte les cours d’eau. Il défriche même un petit lopin de terre pour y planter quelques graines et attendre la moisson. Quand il revient à la civilisation, deux ans plus tard, ce n’est que pour renouveler ses provisions de poudre et de sel, vendre quelques peaux et faire un enfant à Rebecca, qui l’attend patiemment. Cette longue expédition loin de son foyer lui a donné le goût des interminables raids en solitaire, pendant lesquels il s’adonne à son passe-temps favori : la chasse au cerf et au castor. Et chaque fois qu’il revient à son point de départ, après plusieurs semaines ou plusieurs mois d’absence, il vend le produit de ses chasses, parfois des centaines de peaux, un commerce qui lui permet de faire vivre sa petite famille. En 1762, il revient s’installer quelque temps auprès de sa jeune épouse et de ses quatre enfants qu’il a si peu vus grandir.
Un premier convoi qui tourne mal
Mais il retourne bientôt dans le Kentucky pour y fortifier le village qui porte son nom. Cette fois, il emmène avec lui quelques familles qui ont décidé de lui faire confiance. C’est sans doute le premier convoi vers l’Ouest, mais qui s’achèvera prématurément dans des conditions dramatiques. Boone s’est imprudemment encombré de femmes, d’enfants et de bétail à qui il tente de faire gravir des chemins tortueux, truffés d’ornières et de pièges. Là où il avait réussi seul, il échoue avec son petit groupe. Car les Indiens les attendent en embuscade. Au cours de l’attaque, deux membres de l’expédition sont capturés, torturés et mis à mort par les Cherokees, dont le propre fils de Boone. Les survivants, terrifiés, rebroussent chemin. Boone entreprend alors de consolider le village qui porte son nom. Plus tard, c’est dans ce village, protégé par des palissades, que viendront s’établir les premières femmes blanches de l’Ouest, mais quelques-unes d’entre elles seront capturées par les Indiens et emmenées en captivité.
Sa propre fille est enlevée par les Indiens
Un jour, c’est au tour de la fille de Boone d’être enlevée. Mais la rapide intervention du coureur des bois lui permettra d’arracher de justesse son enfant au poteau des tortures, ainsi que deux autres jeunes filles blanches kidnappées en même temps qu’elle. L’hostilité des Indiens se fait de plus en plus oppressante. Tombé à son tour entre les mains des guerriers de la tribu des Shawnees, Boone réussira à sauver son scalp, mais ne sera relâché par ses ravisseurs qu’à la condition expresse de ne plus revenir sur leur territoire de chasse. Mais la chasse est toute sa vie et il ne peut envisager d’y renoncer. Direction : Pacifique…
À l’aube du XIXe siècle, l’Amérique a la bougeotte. Tout le pays s’est mis en marche. Direction : le Pacifique. L’Ouest est devenu le mot magique. Sur les pas de Daniel Boone, des milliers de chariots bâchés se lancent sur les pistes. L’ère de la conquête a commencé. Les chemins ont beau n’être que d’étroites pistes à peine carrossables, les régions traversées infestées de tribus hostiles, rien n’y fait : l’attrait de l’inconnu et des grands espaces est le plus fort. Cette conquête de l’Ouest ne se fera pas en un jour, mais par étapes successives, constamment ralentie par l’opposition farouche des Indiens, par la rudesse du climat et les pièges d’un sol tourmenté à l’infini. Forêts hostiles, rivières profondes, canyons infranchissables, déserts arides et brûlants, montagnes abruptes et glacées, tempêtes de sable ou de neige : tous les éléments semblaient se lier pour freiner l’avance des conquérants.
Les trappeurs sont les plus nombreux et les plus hardis. Ces marchands de fourrures avaient rapidement vu la possibilité de rendre leur commerce plus prospère en exerçant leur activité dans ces plaines et ces forêts incroyablement giboyeuses, où daims, castors, loutres et ours n’attendaient que la balle du premier chasseur venu. Pour écouler le produit de leurs chasses fructueuses, l’établissement de comptoirs commerciaux s’imposait, qui furent autant de relais au bord des pistes qui s’enfonçaient chaque jour un peu plus au cœur de l’immense continent.
Son obsession : fuir la civilisation
Mais sur cette voie que Boone a ouverte en direction de la Virginie et du Kentucky, l’afflux soudain des migrants a eu pour effet une raréfaction du gibier. Boone se voit ainsi contraint de poursuivre toujours plus loin sa fuite en avant pour agrandir son terrain de chasse, mais aussi pour prendre ses distances avec cette civilisation galopante qui s’est précipitée à sa suite. Il s’enfonce donc toujours plus profondément en direction du Mississippi. Inévitablement, cette invasion blanche ne cesse d’envenimer les relations avec les populations amérindiennes. Les premières échauffourées vraiment sanglantes entre Peaux-Rouges et « Visages Pâles » commencent à souiller le sol américain. Boone est l’un des premiers aventuriers de l’Ouest à affronter les belliqueuses tribus indiennes de la Grande Prairie, mais le premier aussi à se familiariser avec leurs coutumes et leurs ruses. Pour éviter de tomber entre leurs mains, il adopte souvent le stratagème du camouflage en se déguisant comme les Indiens.
Il se fait adopter par un chef indien
Boone est cependant plusieurs fois capturé par les Peaux-Rouges, mais il réussit chaque fois à leur échapper dans des circonstances spectaculaires. Un jour qu’il se trouve entouré de trois côtés par les Indiens, la seule voie libre débouche sur une falaise surplombant d'une vingtaine de mètres une rivière. Sans s'accorder le temps de la réflexion, Boone, saisissant sa carabine et son maigre bagage, saute dans le vide, tombe dans le feuillage d’un arbre accroché à la paroi, d’où il se laissera glisser dans les eaux du courant, sous les regards médusés de ses poursuivants. Parfois aussi, grâce à sa bonne humeur, à sa générosité et surtout à son art de raconter des histoires drôles, il arrive à se concilier les bonnes grâces d’une tribu. Il est ainsi adopté par le chef de la tribu Shawnee comme son propre fils et obligé de vivre à ses côtés au sein de la tribu pendant plusieurs mois dans une semi-captivité. S’étant finalement évadé, ce séjour involontaire lui vaut de sérieux ennuis avec les autorités militaires américaines. Ayant le grade de capitaine dans les milices chargées de combattre les Indiens, il est traduit en cour martiale pour complaisance avec l’ennemi. Il pourra toutefois prouver sa bonne foi et sera acquitté de cette accusation.
Capturé à nouveau par les guerriers Shawnees, il n’échappera à la mise à mort que par un vote des sages de la tribu, son sort se jouant à deux voix près. Et une fois de plus, il parviendra à fausser compagnie à ses geôliers.
Il devient le premier héros de l’Ouest
Au cours des années suivantes, les trois villages qu’il a construits dans le Kentucky sont constamment la cible des attaques indiennes et sont exposés à des encerclements critiques. Fermes, bétail et récoltes sont régulièrement détruits ou incendiés.
Réfugié dans son village de Boonesborough, il soutient victorieusement un siège de dix jours contre les Indiens, au cours duquel il sera blessé d’une balle au genou. En 1776, l’avant-poste de Boonesborough ne comptait que dix habitants. Difficile d’imaginer à cette époque qu’il en abritera 30 000 dix ans plus tard. Daniel Boone, l’homme des bois, tentera à plusieurs reprises d’adopter une vie sédentaire et de cultiver la terre. C’est lui qui initiera les premiers occupants de son village à l’élevage des chevaux, spécialité qui allait devenir – et qui l’est toujours aujourd’hui – l’une des gloires du Kentucky. De plus en plus populaire au sein de la population émigrée, il est élu par trois fois à l’Assemblée législative de Virginie. Il tiendra aussi pendant quelque temps une taverne où il aura des esclaves noirs à son service. Mais cet incorrigible solitaire ne renoncera jamais tout à fait à son existence nomade et aventureuse.
Entre-temps, son action souvent héroïque contre les Indiens et les divers services qu’il rend aux premiers colons passés à l’ouest commencent à lui valoir une certaine notoriété. Ses actes de bravoure alimentent les conversations le soir autour des bivouacs. Les récits de ses exploits sont colportés jusque sur la côte Est. Bientôt, des écrivains s’emparent de sa pittoresque personnalité pour lui fabriquer une légende assez largement méritée.
Qui est le vrai Daniel Boone ?
Bien sûr, même avec le recul, il n’est pas toujours facile de se faire une représentation exacte du vrai Daniel Boone. Les descriptions d’époque sont quelque peu controversées. Les unes nous le présentent comme une sorte de fauve farouchement misanthrope, les autres comme un bon samaritain de l’Ouest primitif, professant l’amour du prochain dans des contrées où de tels sentiments n’étaient pas courants. Cette dernière image, plus plaisante, nous le montre comme la providence des premiers colons, l’homme qui les faisait volontiers profiter de son immense expérience, qui leur révélait les ruses des Indiens et les pièges à éviter dans les régions hostiles où ils s’apprêtaient à s’aventurer. Boone n’aurait pas toujours été cet ermite uniquement soucieux de maintenir la plus grande distance entre le monde civilisé et lui. Mais c’est pourtant sous cette apparence que sa légende nous est parvenue.
Quand la civilisation avance, lui recule…
Un journaliste new-yorkais écrit : « Au fur et à mesure que la vie civilisée avance, lui recule… » Sous la plume d’un autre chroniqueur, on peut lire : « J’ai entendu dire que Boone ressent la nécessité de quitter un endroit quand la cime des arbres qu’il abat pour se chauffer cesse de toucher en tombant la porte de sa cabane ». Ou encore : « Boone est une sorte d’Indien blanc qui serait mort d’ennui au sein de la civilisation. Il était plus heureux dans une cabane de rondins avec un quartier de chevreuil cuisant sur la baguette de son fusil en guise de broche qu’entouré des raffinements et du luxe de la vie moderne ». Mais la fuite de Boone vers l’ouest pour échapper aux envahisseurs blancs, à qui il avait pourtant ouvert la voie, était un objectif sans espoir. Arrivé le premier au pied des Montagnes Rocheuses, il y sera rejoint moins de dix ans plus tard par une foule de colons qu’on ne peut plus arrêter. Il comprend bientôt que ses rêves d’une vie solitaire au fond des bois seront continuellement sapés par l’esprit de conquête insatiable qui animait la nouvelle génération américaine.
Ruiné mais pas amer
On crut pourtant un moment que le Boone vieillissant allait s’assagir. À une certaine époque, il connaît de sérieuses difficultés financières, notamment quand une somme importante d’argent qui lui a été confiée pour l’achat d’un terrain lui a été volée. Il s’est lancé également dans quelques spéculations immobilières qui ont très mal tourné. Il lui faudra plusieurs années pour rembourser ses dettes. L’homme des bois était assurément peu doué pour les affaires. Frustré par tous les problèmes légaux liés à ses déboires financiers, Boone émigre en 1799 vers le Missouri oriental où il passera les vingt dernières années de sa vie. Ruiné, mais nullement amer, semble-t-il. Car, pratiquement jusqu’à son dernier jour, il continue à chasser le castor et le gibier au cours de très longues promenades qui font chaque fois craindre à ses familiers de ne plus le revoir vivant.
Enterré dans le cercueil qu’il cachait sous son lit
Il mourut à Saint-Charles, le 26 septembre 1820, de mort naturelle dans les bras de son fils. Il avait 85 ans. Sur toute la portion de territoire que couvrait alors la nation américaine, il était déjà considéré comme un super-héros. On l’enterra dans un cercueil fabriqué par lui-même et qu’il cachait depuis plusieurs années sous son lit dans sa cabane de trappeur. Les corps de Boone et de sa femme Rebecca furent réunis et transportés à Frankfort, dans le Kentucky, un état dont il avait tant contribué à la création. En fait, deux états – le Missouri et le Kentucky – revendiquent aujourd’hui l’emplacement de leur tombe, sans que l’on puisse désigner laquelle des deux est la vraie. Déjà entré dans la légende de son vivant, Daniel Boone reste, plus que jamais, une figure iconique de l’histoire américaine. Le premier récit de ses aventures, qui le rendit célèbre en Amérique et en Europe, fut publié dès 1784. Beaucoup d’autres suivront, où la vérité historique ne trouvera pas toujours son compte. Plus tard, le cinéma lui fera également la part belle. Ce qui est certain, c’est que ses aventures, réelles ou imaginaires, débitées en feuilletons dans les journaux de l’époque, créèrent le premier archétype du héros dans le folklore américain.
Il a même donné son nom à un sous-marin atomique
Sa dépouille à peine refroidie, des centaines de milliers de colons, attirés par les terres à bon marché et les mirages de l’Ouest, se sont rués en flots toujours plus frénétiques sur les pas de celui qui leur avait ouvert la route de l’inconnu. Le tracé des pistes s’étant amélioré, la grande transhumance des chariots bâchés atteindrait bientôt son apogée vers la moitié du XIXe siècle. Les échantillons d’humanité les plus divers – pionniers, squatters, trappeurs, chercheurs d’or, fermiers, cow-boys, joueurs et chasseurs de prime, mais aussi quelques personnages d’exception – allaient repousser chaque jour un peu plus loin cette fameuse « frontière » pour déferler à travers ce Far West si longtemps inaccessible. Grâce à Boone et à quelques autres, l’Amérique allait pouvoir s’installer sur l’entièreté de son territoire. Finalement, le plus grand paradoxe de l’existence de Daniel Boone est d’avoir été à la fois ce personnage qui fuyait la civilisation et celui qui a permis à la civilisation d’arriver jusqu’à lui. De très nombreux lieux portent aujourd’hui son nom partout aux États-Unis. Même un sous-marin atomique a été baptisé de son patronyme.